j - DES EXPERIENCES QUI AMENENT A SE REPRESENTER

D’autres conditions que l’accompagnement par sa tante ont été nécessaires à ce dépassement, et au compte de celles-ci, nous pourrions avancer ce que Naïma a pu vivre de différent avec des soignants lors de ses hospitalisations, ou avec les membres de l’équipe éducative de notre dispositif d’accueil, en tant qu’alliances non-incestueuses.

Certes, les représentations que cette jeune fille délivre à ce sujet apparaissent connotées par une certaine persécution : "… à chaque fois à l’hôpital, c’est qu’ils arrêtaient pas d’essayer de parler avec moi, ça va cinq minutes !", "Les autres, les docteurs, là, qu’est-ce qu’ils m’ennuyaient avec leur morale !" Mais on repèrera dans le second temps constitué par nos propres rencontres que la substitution d’un cadre de parole à un cadre de comportements est plus facilement compréhensible par Naïma.

De la même manière, son opposition à des activités de liaison à l’époque des tentatives de suicide - "A l’hôpital, à chaque fois d’entrée c’était et vos parents et vos parents… Mais ils y sont pour rien mes parents, qu’ils ont à voir là-dedans ?" - est progressivement reprise vers la fin de son séjour dans notre structure : "Mais il me comprend pas assez, c’est toujours mes frères qui ont raison. Il s’intéresse à eux, se déplace quand ils ont des problèmes, et alors pourquoi pas pour moi ?", "C’est qu’il veut pas qu’on dise que sa fille elle est dehors, c’est tout. Que je me fasse taper, ça, ça se voit pas dehors, alors il s’en fout."

Nous avancerons parallèlement que le fait d’inhiber les mouvements pulsionnels pour privilégier leur mise en représentation s’origine dans une transformation de la fonction surmoïque. A travers le récit de Naïma, et sur les quelques années que ses propos tentent de saisir, nous voyons se modifier la place du surmoi dans une suite psychique d’abord composée d’identification à l’agresseur sur fond d’identification narcissique incorporante.

Puis les expériences que nous avons évoquées jusqu’ici (les relations avec les soignants, avec sa tante, avec son ami, ainsi qu’avec les différents professionnels durant son placement éducatif) introduisent dans cette suite une nécessité de l’ordre du représentatif, ce qui nous semble bien appartenir à un autre registre surmoïque. Bien sûr, nous ne pensons pas qu’il ait suffi de proposer ou d’imposer de « parler » à Naïma pour que cette transformation advienne, et la question de ce qui a pu fonctionner dans cette suite ne peut être résolue par cet abord seulement descriptif.

Nous renvoyons cette élaboration à la discussion ultérieure de nos hypothèses en suggérant que ces expériences relationnelles différentes ont bordé et accompagné le passage d’un mode de décharge à un autre, passage illustré par un fantasme de scène primitive qui protège de la pulsion sadique. Nous ajouterons ici qu’une ébauche de roman familial rend possible ce fantasme ("Des fois, je pensais que ma tante c’était ma mère"), auparavant barré par une organisation familiale marquée de conduites perverses, dans laquelle son père serait aussi sa mère…