b - NOTRE MATERIEL CLINIQUE

J’ai rencontré Selma trois fois. et pas une seule sans que j’ai été surpris par son mode d’investissement de l’entretien. Selma parle avec véhémence de ses expériences passées ou actuelles, qu’elle semble revivre en même temps qu’elle les décrit. Elle semble alors s’appuyer sur moi, souvent de manière antagoniste, et dans une modalité anaclitique qui ne rend pas toujours l’échange ou l’approfondissement bien faciles.

Selma est une adolescente plutôt petite, tonique, qui fait de la gymnastique rythmique et sportive et qui s’habille, selon mes critères, sans apparente recherche de séduction. Lors de notre première rencontre, j’ai même l’impression de voir apparaître une fillette d’une douzaine d’années. Dès qu’elle s’exprime pourtant, il me semble déceler une certaine maturité, notamment lorsqu’elle développe son sens critique et une bonne capacité à verbaliser. Parfois, j’ai même eu le sentiment qu’elle essayait de me « vendre quelque chose », ce qui peut être mis en lien avec son choix de scolarité.

Au cours de mes rencontres avec Selma, mes associations personnelles à partir de ses attitudes se sont développées autour de l’image de divers agrippements qu’elle aurait opérés sur moi, souvent antagonistes comme lorsqu’elle ne se trouve pas en accord avec mes formulations. Face à cette jeune fille, j’ai souvent pensé à la formulation « elle ne s’en laisse pas conter » pour traduire ce que je pouvais ressentir de sa limitation des propos de l’adulte.

Mais il y avait aussi toutes les occasions à côté desquelles Selma passait, par ses façons de rompre, comme si elle ne voulait pas « se laisser toucher » par le discours de l’autre, ce qui est déjà très interprétatif pour cette situation de violence familiale ! Notre prise de contact illustre d’ailleurs sa manière de briser.