II - 2 - 4 - L’entretien avec les parents.

a - LA MERE DECRIT SON EXCLUSION

La mère de Selma vient seule, demandant à la personne qui l’accueille dans l’établissement si son ami est déjà là… Nous convenons alors d’attendre l’arrivée du père de Selma quelques minutes, puis de commencer l’entretien si ce monsieur devait tarder trop longtemps. Au bout de cinq minutes, ce père étant encore absent, nous commençons la rencontre en convenant qu’il pourra se joindre à nous à son arrivée. Après une présentation de la structure, et évoqué cet entretien comme devant nous permettre de mieux comprendre la vision de cette situation par les parents, nous enchaînons sur l’absence du père de Selma…

Q - Il était au courant de ce rendez-vous ?

Mme - Oui, je lui ai dit quand le monsieur a téléphoné. Mais il a dû y avoir un quiproqui [sic]. Peut-être qu’il a compris qu’on se retrouvait à la maison… Mais je lui avais dit, comme tu seras en ville, c’est pas la peine de remonter…

Ce « quiproqui » me fait penser à « qui est pour qui ? », au sens de l’alliance, ou d’une personne promise, dans une situation familiale qui m’apparaît, à travers cette absence du père à notre entretien et ce placement de la fille aînée, du côté d’un « chacun pour soi », comme une forme d’atomisation de la cellule familiale.

Q - Comment vous comprenez ce qui se passe pour Selma ?

Mme - Oulà c’est compliqué, vous savez… C’est surtout avec son père que ça va pas. Elle arrivait pas à parler avec lui, et quand elle pouvait, il écoutait pas.

Q - Et vous, vous pouvez parler avec elle ?

Mme - Oh, moi, je suis pas entre elle et son père ! Non, moi je crois qu’elle a été entraînée. Peut-être sa copine, je sais pas. Je dis pas hein ? C’est vrai que c’est difficile à la maison… Elle dit que c’est toujours elle qui prend, mais je lui dis, moi, il n’y a aucune différence entre toi et ta sœur.

Q - Vous nous répondez surtout en parlant des relations entre Selma et son père. C’est ça la chose importante à la maison ?

Mme - Ah depuis quelques années, c’est comme ça ! Vous voyez, Selma elle m’aide, eh ben quand son père est à la maison, il n’y a plus personne qui m’aide, plus personne écoute rien ! Selma, elle peut faire n’importe quoi !

Q - Faire n’importe quoi, comme une tentative de suicide, par exemple ?

Mme - Oh elle était peut-être énervée. Je crois qu’il l’avait encore tapée ! Mais pas méchamment, hein ? Il supporte pas que ça se passe pas comme il veut. Alors il s’énerve. Mais après il regrette ! Elle s’est enfermée dans sa chambre et elle a pris des médicaments qu’il y avait là… pour elle… parce que déjà elle était pas bien à ce moment-là…

Q - Elle devait être très énervée, ou avoir eu peur, ou de la peine, pour faire ça… non ?

Mme - Je sais pas moi, j’y étais pas sur le coup. Mais c’était il y a déjà quelques temps, hein ? Moi je crois que c’est pour tirer mieux son attention vers son père.

Q - c’est-à-dire ?

Mme - Ben lui faire comprendre que ça allait pas, sa façon de faire, cette manière de toujours vouloir décider de tout. Mais ça a recommencé après… Dans cette maison on peut faire n’importe quoi on n’arrive à rien.