b - LES EVOCATIONS DES COUPS

Selma présente les coups donnés par son père dans le contexte de l’infantilisation qu’il lui imposerait, au contraire de sa sœur cadette, épargnée par ces attitudes paternelles : "et puis j’ai une sœur, Saliha. Mais il ne la battait pas, ça a toujours été comme ça. C’est que moi, il me trouvait irresponsable. Alors c’est marrant ça, parce que moi je trouve plutôt que c’est lui qui ne me laisse pas grandir". Cette association entre violence physique et empêchement apparaît d’abord en lien avec l’autonomisation : "au début, ça allait, c’est quand on a commencé à vraiment grandir", "… C’est plus ces derniers temps de taper", puis jusqu’à des interdits concernant ses activités sportives : "Je venais de me faire taper, il ne voulait pas que je fasse une compétition. Il disait que c’était trop loin, que je devais pas partir toute la journée, tout ça."

Ces coups apparaissent en outre dans un contexte d’érotisation verbale paternelle : "Moi je fais de la GRS et les rubans, on s’en sert… Je l’ai juste dit à ma mère. Mon père il s’est mis à gueuler que c’était des putes, excusez-moi du mot, hein, que c’était pas possible de s’habiller comme ça… (…) Alors j’avais des livres de classe sur la table et il me les a balancés dessus !"

Les coups paternels interrogent aussi en Selma la question de la limite, à travers ce que cette adolescente ressent comme une excitationsauvage animant son père dans ces moments de déferlement pulsionnel : "C’est lui, oui, qui a besoin de moi ! Pour se défouler !" "Ben il y avait des chaussures dans l’entrée. Alors il en a pris une et il est venu me cogner avec, mais enragé hein ? J’ai cru qu’il s’arrêterait pas." La mère de Selma témoigne également de ce point : "Oui, c’est ça, c’est vrai que des fois, il ne sait pas bien s’arrêter quand il est énervé. Ça tape, quoi."

Mais si c’est sur le modèle de l’incorporation forcée que Selma se représente les corrections parentales ("… le parent, il peut corriger l’enfant pour que ça lui rentre dans la tête que ça peut lui faire des problèmes de partir n’importe comment comme ça…", "Ma cousine (…), elle prend des gifles par ma tante, y a que ça pour la calmer !") cette représentation peut toutefois se ramener à un fantasme d’agressivité maintenant le lien éducatif à l’enfant, ceci semblant s’opposer, comme une contre-attitude, à la violence fantasmatique que les attitudes du père suscitent chez Selma postérieurement à sa puberté.