i - RESTITUER AU PERE EN L’AGRESSANT

L’éclosion pubertaire, nous l’avons souligné, a manifestement orienté vers un excès de sexualisation les attitudes de violence paternelle. Dans cette perspective, la tentative de suicide de cette adolescente apparaîtrait plus comme une sexualisation de la violence fantasmatique que comme une conflictualisation de son développement sexuel.

Répétons que ce n’est pas le corps dans son ensemble qui est visé dans l’acte de Selma, mais bien un point de l’image du corps (son ventre) sur lequel vient se fixer une représentation caricaturale d’un certain mode de présence paternelle. Ainsi le geste de cette adolescente viserait le sexuel comme représentant du père de l’adolescence, et pourrait être interprété comme une première contestation radicale des comportements de celui-ci. Nous avons dit à ce sujet que Selma avait voulu ainsi attaquer son père en elle.

Mais parallèlement à la figuration d’une attaque, cette violence auto-infligée reste à notre avis empreinte de l’incorporation problématisée supra. En fait, nous pourrions dire que Selma, six mois après avoir avalé ces médicaments, commente en ma présence de manière critique un geste qui reste encore pour elle singulièrement marqué d’internalisation coupable d’un certain rapport à la violence paternelle et de confusion topique ("… j’ai trouvé que c’était stupidepas de quoi gâcher ma vie pour luisi j’avais fait une grosse connerie, il aurait été trop content, il aurait dit vous voyez comme j’avais raison !"). Nul doute qu’à ce moment-là, cette adolescente tente de restituer quelque chose au père, la dimension violente étant aussi reconnue en lui par cette jeune fille.

Il n’y a bien évidemment aucune certitude de dépassement dans ce mouvement verbalisé de projection-restitution, et Selma paraît effectuer ainsi un travail de restauration du lien à un objet primaire moins anxiogène. Son apaisement semble d’ailleurs présent dans ses observations: "… ça va drôlement mieux. Ne plus l’entendre me faire des remarquesje vais pouvoir penser à moi ! Je pourrais mieux voir mes copines qu’il m’empêchait de voirje ferais une année de gym bien plus tranquille !".

Mais il reste qu’à travers la critique qu’elle fait d’elle-même ("… si j’avais fait une grosse connerie, il aurait été trop content, il aurait dit vous voyez comme j’avais raison !"), Selma détruit son image telle qu’elle la craint conservée dans le désir du père. Là où cette position peut montrer un progrès, c’est par le fait que cette adolescente tente ainsi d’agresser cette image d’elle en son père, après avoir déposé en lui, pour détruire cet objet transformé, ce qu’il y a de dé-narcissisant dans les attitudes paternelles ("… j’avais l’impression que je ne savais plus rien faire, avec ce qu’il disait sur moidès que je faisais quelque chose, il criait que ça allait pas, à la fin je faisais plus rien…").