j - LA QUESTION DE LA FEMINITE

"Les petits, il les responsabilise, les grands, il les infantilise." Ce point de vue de Selma concernant son père nous paraît résumer la situation d’empêchement de la génitalisation pubertaire dans laquelle tend à la maintenir l’emprise paternelle. Bien sûr, il s’agit là d’une représentation psychique de Selma, la réalité pulsionnelle de l’adolescence ne laissant pas au père une telle latéralité, qu’il puisse décider si sa fille peut devenir une femme (pas plus que de faire croire à une nonne que c’est un curé, pour reprendre l’image utilisée par Selma…).

Mais cette attitude paternelle paraît avoir singulièrement compliqué l’accès de Selma à la féminité, jeune fille nous avons dit qu’elle renvoyait par sa présentation à l’apparence d’une fillette, sans recherche de séduction particulière en comparaison avec beaucoup de jeunes filles que je rencontre. Notre observation est aussi que toute tentative de cette adolescente de vivre l’autonomie des expériences et des relations s’est trouvée disqualifiée par la connotation d’un trop de sexualité et d’ouverture induit par les allusions paternelles de prostitution.

C’est pour cette raison que Selma se détournerait d’une féminité-réceptivité, ce que traduit par exemple son investissement préférentiel d’images féminines dans son environnement proche. Nous avons relié dans notre revue conceptuelle cette féminité-réceptivité à la rencontre avec le père, par la différence vis-à-vis de la mère qu’il est à même de représenter. Dans le cas de Selma, ce père ne paraît guère proposer de différence et de complémentarité sexuelle à travers son apparente volonté d’occuper toutes les places dans la famille, et il est notable à ce sujet d’entendre Selma lui attribuer le pouvoir d’influencer (pervertir ?) une femme au sujet de son identification sexuée (certes une nonne, donc elle-même non soumise à la réceptivité sexuelle ?).

Tout autre est le rapport de Selma à la féminité-intériorité. La scène des coups dans le ventre et ses conséquences de figuration d’objet interne nous conduisent à penser que cette jeune fille lutterait précisément contre une intériorité bien présente, mais persécutrice parce qu’elle s’est constituée au cours d’intrusions paternelles répétées, et restant de ce fait non centrée sur la créativité. Mais s’agit-il alors d’une féminité ? Ne pourrait-on pas dire que cette violence incorporée a entraîné la présence d’une imago empêchant l’identification aux caractéristiques de la féminité chez Selma ? Et ne s’agirait-il pas plutôt d’une anti-féminité, comme un effet inconscient des assignations paternelles ? Ce que ces dernières suggèreraient à cette jeune fille pourrait se résumer au projet de ne pas être une femme, sauf à manifester l’envie de se prostituer en groupe sous le prétexte d’exhibitions gymnastes.