b - L’ATTAQUE DE L’OBJET MATERNEL

Puis le discours de cette jeune s’est orienté vers l’incapacité de sa mère à gérer de manière apaisante les relations familiales. D’ailleurs le contenu de sa description ne correspond-il pas davantage aux traits de l’adolescence (comme si Déhbia se retrouvait en elle, avec les effets de malaise que cela suscite aux adolescentes) qu’à ce que cette jeune fille pourrait attendre d’une mère ? Ce sont essentiellement ses contradictions et changements d’avis qui résument le mieux pour elle les défaillances maternelles dans son rôle tutélaire. Son caractère infantile et son imprévision créent, selon Déhbia, beaucoup d’insécurité à chacun dans la famille, notamment par ses dépenses inconsidérées et impulsives.

Nous pouvons articuler ce que Déhbia décrit de la destruction de la carte bancaire maternelle à ce que nous avons écrit dans notre revue conceptuelle, et notamment sur la limitation de l’érotisme anal de la fille par la mère (supra page 59). C’est à l’inverse, dans le récit de Déhbia, d’une castration anale maternelle dont il est question, de la même manière que l’opposition de ses jeunes frères aux attitudes d’achats de la mère fait songer à un mouvement aussi castrateur, s’agissant d’un comportement somme toute bien maternel.

Mais si, pour ces raisons, les propos de cette adolescente renvoient au vécu filial d’une analité mal contrôlée chez la mère, débordée par ses mouvements pulsionnels, nous ne pouvons ignorer le rôle de la culpabilité de telles représentations dans le souhait de retourner auprès de sa mère ("il me semble qu’elle est mieux si je rentre").

Il reste que la représentation de Déhbia concernant cette confiscation de carte bancaire peut apparaître comme la reprise, sur un registre non familial, d’une scène primitive dans laquelle, cette fois-ci, c’est la mère qui est dominée : elle est châtrée et elle pleure. Mais Déhbia fait-elle autre chose qu’applaudir à son propre mouvement défensif dans lequel elle se représente sa mère en position infantilisante d’être battue à son tour ? L’hypothèse que nous pourrions faire ici, c’est que Déhbia, lorsqu’elle rapporte cette scène de destruction, reprend à son compte une dimension de sadisme dont elle a souvent eu le sentiment d’être victime de la part de ses frères, et notamment de l’aîné, sous couvert de la complicité maternelle. Mettre ainsi la mère en scène apparaît comme une identification à l’agresseur, dans une visée défensive de renversement face à l’expérience angoissante de sa propre passivité. Cette notion d’identification à l’agresseur renvoie, comme le soulignent J. LAPLANCHE et J-B. PONTALIS, au « cadre d’une relation non pas triangulaire mais duelle, dont le fond est de nature sadomasochique » [1990, p191], ce qui renforce notre hypothèse d’une organisation psychique tournée vers la symbiose.