h - UN JEU D’IMAGOS MATERNELLES

D’autres éléments viennent à l’appui de cette idée de fonction paternelle pare-excitante. Ils nous permettront ensuite de problématiser la situation de Déhbia par rapport au travail de l’adolescence.

Nous avons eu l’occasion dans notre retranscription du premier entretien de commenter le petit dialogue rapporté par Déhbia ("Je l’ai dit à mon père. Je voudrais un mari comme toi. Il m’a répondu que c’était dur à trouver, que les garçons maintenant, ils cherchent qu’à profiter") en énonçant que sa composante œdipienne ne masquait pas pour nous qu’il éclairait précisément cette fonction paternelle de protection vis-à-vis des excitations extérieures.

Rappelons en effet que l’adolescence a précisément pour but d’éloigner de telles représentations de proximité œdipienne dans l’intégration de la sexualité pubère, et qu’en ce sens Déhbia ne montre ici guère de caractéristiques adolescentes. Car plus habituellement, c’est dans le déplacement que de telles figurations se travaillent, et non dans des tableaux aussi ouvertement connotés de désir œdipien. D’autres adultes, d’autres histoires sentimentales, d’autres créations (un journal intime, par exemple), supportent généralement ce travail de liquidation à bas bruit. Par ailleurs cette jeune fille nous semble parler trop longuement de sa mère au cours de nos rencontres, et ce sur le registre de la dépendance, pour être décrite comme ayant, dans une problématique incestueuse, le projet inconscient d’évincer cette dernière.

Ainsi s’éloigne l’idée que les mouvements psychiques de cette jeune fille témoigneraient majoritairement d’un désir de cet ordre. Celui-ci atténuerait pourtant les effets régrédiants, infantilisateurs de la recherche de protection par le père. Peut-être même pouvons-nous dire qu’une « tentative » de cette nature existe chez Déhbia, et qu’elle s’exprime précisément par la séquence en question, sans connaître le destin d’une élaboration toutefois.

Or un risque apparaît ici, lié au fait que Déhbia puisse retrouver auprès de son père un état de sécurité interne, un apaisement proche du bercement, état auquel elle fait d’ailleurs allusion dans sa description des moments de vie commune avec celui-ci. En fait, ce risque serait de constituer comme seul recours une organisation orale primitive, facteur d’engloutissement potentiel, face à ce que l’imago maternelle anale-phallique comporte d’anxiogène. C’est ce que A-M. ALLEON et O. MORVAN évoquent en écrivant qu’une attaque contre cette dernière peut conduire « à une désanimation de cette imago au profit de l’imago archaïque… » [1990, p32] Nous ferons alors l’hypothèse que Déhbia peut, tout autant que contre l’imago maternelle anale-phallique, ressentir la nécessité de lutter contre le risque qu’une telle image encore plus archaïque n’advienne, en somme contre le maternel féminin primitif représenté par la « solution paternelle ». La participation de Déhbia à une agressivité familiale s’éclaire à nouveau ainsi, les coups avec ses frères jumeaux, son accord pour les "petites claques" du père, et jusqu’à son attitude de dépassement du cadre horaire de l’établissement trouvant ainsi une autre fonction défensive.