d - L’IDEE D’UNE ABSENCE PATERNELLE

Je me demande à ce moment de l’entretien quel type d’objet primaire est susceptible d’instaurer un tel clivage, tout en ressentant dans le même mouvement l’absence d’une référence paternelle qui limiterait les débordements de chacun(e) dans les évocations de Seher. Mes tentatives pour orienter cette jeune fille vers une transformation de cet objet primaire ont rencontré beaucoup de résistances. Seher tient manifestement à cette défense par clivage, qui lui permet sans doute de caresser l’idée d’un retour en famille qui réparerait la mère de sa tristesse et de son inquiétude.

Mes essais de faire représenter un père suffisamment opérateur n’ont guère eu plus de succès. L’utilisation du pluriel, pour signifier l’idée du couple parental ou de la famille dans son ensemble a systématiquement rencontré des réponses limitées au personnage maternel chez Seher.

Il semble même que la présence du tiers n’apparaisse pas plus dans ses évocations de l’équipe pédagogique. Mon impression est encore celle d’une certaine répétition. Car l’image d’une éducatrice ou d’une équipe « agressive parce qu’inquiète » est peut-être aussi ce qu’il y aurait à entendre de la part de Seher. Et son "qu’est-ce qu’elle a à gueuler, celle-là ?" concernant l’éducatrice, pourrait aussi bien s’entendre "qu’est-ce qu’elle a à pleurer, celle-là ?"…

- On peut s’arrêter là ?

Q - Oui, d’accord. Je vous revois la semaine prochaine au même moment ?

- Oui, oui, au revoir.

Comme nous l’avancions au début de cette exposition, il n’y a eu aucun autre entretien ultérieur. Exclue pour trois jours après avoir, une fois de plus, entraîné deux des autres jeunes hébergées à sortir sans autorisation, Seher a dit se rendre dans sa famille pour cette période. Puis elle est revenue chercher ses affaires quelques jours plus tard pour rentrer chez elle, arguant d’une sensible amélioration dans ses relations "avec sa mère".