b - LA REPRESENTATION DES COUPS

Seher aborde cette réalité de violence physique par une question portant sur le sens des coups reçus à la maison. Elle témoigne lors de ce premier entretien de son incompréhension de cette situation. Toutefois avec l’idée que cette violence est « gratuite » pour sa mère ("Elle me tape pour rien. Quand j’y pense j’ai honte que ça soit pour ça…") ou pour son frère aîné ("Mon grand frère, si je suis dans la cuisine quand il arrive, il m’oblige à sortir, il me pousse, il me traite de tous les noms possibles, et je lui ai rien dit, moi…"), nous pouvons entendre que pour Seher, c’est le plaisir maternel qui est à l’œuvre dans ces attitudes ("Et ma mère au lieu de l’arrêter, elle rigole.")

Puis nous avons relevé au début du deuxième entretien que cette jeune fille se représentait cette violence familiale dans une certaine circularité, par une image verbalisée dans laquelle sa mère la frappe parce que Seher répond au fait que sa mère la frappe parce que Seher répond au fait que sa mère la frappe… Cette forme paradoxale dont cette jeune fille paraît avoir bien compris intellectuellement la dimension de non-sens renvoie à une situation d’emprise et de confusion, qui seraient ici les vécus inhérents à cette circularité.

Nous rapporterons cette problématique de l’emprise à la question du regard, dont nous avions noté la prééminence notamment durant le premier entretien. Voir, être vue, "se voir mieux", est-ce si important pour Seher dans une visée narcissisante ? Nous ajouterons alors que la disposition spatiale des entretiens - son choix du siège de face à face - peut, au-delà de ce que nous avons suggéré d’une relation en miroir, représenter quelque chose de la réactualisation de cette emprise maternelle. C’est ainsi que se représenterait la dépendance narcissisante, l’absence de vis-à-vis suggérant a contrario un défaut de contention narcissique.

Cette perspective nous amènerait à penser que la nécessité d’ « être surveillée » aurait une fonction identique en ramenant de l’identification, le manque de regard maternel entraînant manifestement quelque embarras à Seher pour s’apaiser dans le service. D’ailleurs lorsque cette jeune est mise en face de son mouvement de différenciation par mon commentaire ("Ça s’arrête si vous le refusez en partant de chez vous"), elle témoigne d’un passage dépressif qui montrerait que la perte narcissique est difficilement élaborable.

Soulignons que lors de ce second entretien, les choses sont envisagées par cette jeune fille du côté de la seule incompréhension maternelle ("elle se rend pas compte") ou familiale ("je sais pas s’ils peuvent comprendre ça…"), la « méchanceté » ayant disparu du champ explicatif de la première rencontre ("elle me tape pour rien", "elle m’a dit je vais te crever").