i - LE POINT SUR NOTRE PROBLEMATIQUE

La réactualisation des relations conflictuelles au cours de son séjour est une des caractéristiques essentielles de la situation de Seher, ainsi que, sur un plan comportemental, son retour précipité dans sa famille. Nous avons évoqué sa difficulté de transformer l’objet maternel, et pointé que sa représentation des coups, après avoir été organisée autour du sadisme maternel, faisait une large place à une filiation féminine.

Nous avons observé aussi que Seher avait quelques difficultés à transmettre son passé sur un mode représentatif, comme si l’incorporation était un fantasme prédominant chez elle, ce qui l’amène à éprouver dans le transfert des affects passés ou/et réactualisés durant son séjour.

Ainsi un mode introjectif peut difficilement être relevé ici, même en considérant certains des propos de cette jeune fille au cours du premier entretien. Ce que nous évoquions supra sur sa vision d’un sadisme maternel organisateur de l’agressivité ne peut par exemple être rangé sous ce registre, car si cette représentation paraît installer une distanciation et constituer une expérience - et nous devons rappeler que « l’introjection consiste, suite à une expérience de rencontre et de lien avec un objet externe, à établir cet objet à l’intérieur du psychisme. Plus que l’objet, c’est le lien à l’objet qui est introjecté » [A. CICCONE, M. LHOPITAL, 1991, p17] - l’expérience des mauvais traitements n’est précisément pas de ces acquis qui nourrissent le self et lui permettent de s’enrichir.

Sur notre question portant sur la symbolisation des expériences de violence physique, nous répondrons qu’une forte dépendance à l’objet maternel paraît faire échouer un premier mouvement d’élaboration dans lequel la rage et l’indignation indiquaient chez Seher une reconnaissance de l’agressivité chez l’objet et ainsi qu’une différenciation pouvait être possible. Cette dépendance semble s’adresser à la mère aussi bien en tant qu’objet d’amour ("ma mère, des fois, j’aimerais bien la voir, elle doit avoir de la peine. Je crois qu’elle me manque, c’est bizarre non ?" ) qu’en tant qu’objet d’identification ("cette histoire de taper ça doit passer d’une mère à l’autre"). Nous terminerons cette reprise en soulignant que ces deux extraits renvoient en outre à la symbiose, par le vécu de symétrie qu’ils suggèrent chez Seher, et au « circuit dramatique d’emprise » que P. GUTTON [2002, p195] évoque au sujet d’une jeune fille manifestant le même renversement en son contraire violent que nous évoquions supra p229.