c - SA REPRISE DES PROPOS PATERNELS

Q - Il n’y a qu’avec vous et votre mère que ça se passe comme ça, ou c’est avec tout le monde ?

- Oh mais c’est pareil dehors quand ça lui prend ! Il parle mal à tout le monde, des fois il injurie les gens dans la rue. C’est comme au collège, il y allait, il injuriait les profs. Ça faisait honte, grave.

Q - Vous suivez quelle classe ?

- J’étais en troisième.

Q - Et cette année, ça eu des répercussions sur votre scolarité tous ces problèmes ?

- Oh mais j’ai arrêté, il y a trois mois, à peu près 34 … J’en avais marre. Mais c’est même pas question de mon père, tout ça, hein… Non, ça m’intéressait plus. En fait l’école, ça se passait bien, jusqu’à il y a deux ans à peu près, quand je suis entrée en quatrième, quoi ! Après, bof… Mais de toute façon même avant, quand ça marchait bien, il s’en foutait mon père. Mais il me le disait, hein, qu’il s’en foutait complètement, que ça l’intéressait pas. J’étais quand même un peu fière, moi, j’avais des bonnes notes, souvent.

Q - Et votre mère, elle parlait avec vous, de votre scolarité ?

- Ma mère pareil, elle me posait jamais de questions sur ça. Si ! Juste quand j’ai dit que j’arrêtais d’y aller, en avril, elle m’a dit que c’était dommage…

Dans le même mouvement que le commentaire précédent, j’observe que le sujet de la scolarité occasionne chez Amélie un mouvement particulier vis-à-vis de son père. C’est comme si elle le protégeait de toute responsabilité dans son échec de scolarité, allant même jusqu’à rejoindre l’attitude paternelle en disant « ne plus être intéressée » par l’école, voire mêler dans sa réponse son propre point de vue et celui de son père. Je pense alors à une Amélie rejoignant ses parents dans leur disqualification de l’école pour éviter une solitude dans l’investissement de la scolarité.

Q – Oui, on peut penser que c’est dommage… Mais je me dis que vous avez peut-être arrêté le collège pas seulement parce que ça vous intéressait plus, mais parce que vous ressentiez que ça intéressait plus vos parents, comme une façon d’être d’accord avec eux, ou de rester proche d’eux…

- Euh… Oui, peut-être… Euh… Mais eux, ils s’en foutaient vraiment hein !

Q - Oui, j’ai bien compris ce que vous dites. Mais vous savez, il me semble qu’on travaille à l’école pas seulement pour soi, mais pour d’autres personnes aussi, les parents par exemple… Et je sens que vous vous êtes sentie seule dans cette situation…

- Ah ben c’est sûr que quand j’y allais, c’était vraiment parce que je voulais toute seule. Mais là-bas, ça criait pas tout le temps, pis je pensais pas tout le temps que mon père me tapait…

Ici, c’est la question de la représentation qui se pose, et plus précisément celle de son évitement : ainsi Amélie situe le problème dans la réalité extérieure et non dans une représentation qui travaillerait en elle ("Mais eux, ils s’en foutaient vraiment hein !"), en somme « c’est pas moi qui le pense, c’est vraiment comme ça au-dehors… ». S’inscrirait d’autant plus pour nous la vision de ce mécanisme défensif que dans son dernier propos, Amélie confirme par son clivage (« à l’école au moins on pense pas à la maison ») ce souhait de ne pas se représenter une telle situation familiale.

Notes
34.

Nous sommes le 9 juillet.