i - LE POINT SUR NOTRE PROBLEMATIQUE

Amélie transcrit d’abord la violence physique comme n’ayant aucun sens ("Quand il fait quelque chose, il va jusqu’au bout, même si c’est n’importe quoi !"), sinon celui de se « soulager » à l’aide de celle-ci. D’ailleurs cette jeune fille a le sentiment que son père s’y entend pour dénaturer le sens des choses et apporter de la confusion à autrui ("Non, c’est mon père, il sait embobiner les gens…"), jusqu’à lui donner le sentiment qu’il n’y a aucune solution à tout ça : "Moi, je crois que ça sert à rien. Quand j’ai été au commissariat, ça a servi à rien, alors "

Nous dirons que cette perte de sens a une fonction défensive pour cette jeune fille face aux contenus sexualisés des attitudes paternelles auxquelles s’ajoute l’insécurité apportée par l’objet maternel. Ainsi derrière une image paternelle anale-phallique se constitue chez Amélie une imago séductrice représentée par les agissements du père dans un cycle d’agressivité et de réparation. C’est l’angoisse de perdre cet objet qui a amené Amélie petite fille à incorporer cette imago et qui rend difficile à l’adolescence la transformation de cet incorporat, transformation pourtant régulièrement tentée face à l’emprise anxiogène que cette imago suggère parallèlement.

Ainsi un va et vient régulier a-t-il pu occuper en toute hypothèse Amélie sur ces quelques années. Les entretiens que nous avons décrits durant son séjour nous semblent avoir eux-mêmes indiqué ce balancement entre révolte et abattement, attaque désobjectalisante et préservation du lien. Cette oscillation a en outre donné lieu dans la réalité matérielle à une succession « demande de placement/retour impulsif en famille ».

Cette cinquième situation fait donc apparaître comme un point notable un objet maternel très en difficulté, autant sur le registre de l’adaptation sociale que sur celui de sa relation conjugale (voire sur un plan cognitif). Ainsi Amélie est-elle confrontée à une image maternelle vis-à-vis de laquelle un travail identificatoire apparaît plus que complexe. Nous voulons parler là de la question de la rivalité qui paraît s’être rapidement épuisée pour Amélie dans la domination, autorisée voire appelée par la mère. M. COURNUT-JANIN rappelle que « l’envie du pénis est retrouvée dans toute analyse de femme : elle ressort principalement du souhait de posséder la mère » [1998, p154]. Ici, l’identification inconsciente au père serait plus sûrement convocable, dans cette identification hystérique que nous avons désignée supra page 266.

Enfin cette image maternelle en souffrance entraîne un autre degré de complexité dans l’identification de cette jeune fille, celle de l’élaboration d’une position féminine en tant que séductrice du père. Nous avons retranscrit page 86 une autre citation de M. COURNUT-JANIN, qui rappelait, du côté de la mère, ce « compromis dans l’identification, « Séduis ton père comme j’aimais séduire le mien, mais que ton sexe, en tant que tel, reste hors circuit ». » [1998, p71]. Amélie pourrait être vue alors dans la tentative de séduire son père en occupant la place d’être objet de domination et d’agressivité. Mais sa tentative serait sans arrêt reportée parce que suscitant un vécu d’emprise, l’imago maternelle archaïque réapparaissant in fine derrière l’image paternelle, fût-elle séductrice par tant d’agressivité.