III - 1 - 2 - Un vécu d’emprise

Nous devons en effet nous garder de trop différencier d’emblée ces jeunes filles dans leurs traitements des expériences de violence tant elles paraissent toutes cinq représenter souvent les deux étapes d’un seul et même travail élaboratif. C’est pourquoi nous reprendrons ici les mouvements incorporatifs et introjectifs déjà observés, pour montrer que notre clinique ne répond pas seulement par la différenciation aux questions que nous avons posées au préalable.

Déjà, au cours de nos premières reproblématisations les concernant, nous avons vu que Naïma et Selma, et ceci malgré ce qu’elles nous ont montré ensuite de leurs possibilités de symbolisation et d’une certaine réussite dans leurs tentatives de se dégager de l’emprise, n’avaient pas, dans un temps de vie familiale, échappé à des mouvements incorporatifs du même ordre que ceux que nous prêtons à Déhbia, Seher et Amélie. Or si nous avons situé supra pour nos deux premières jeunes filles l’introjection comme mouvement psychique organisateur de certaines attitudes observées, nous ne pouvons ignorer qu’introjecter se définit par « la construction même de la frontière délimitant le dedans et le dehors, par l’emprunt de la fonction contenante que fait la psyché naissante à l’objet externe » [A. CICCONE, M. LHOPITAL, 1991, p25]. Prendre en compte ce point de vue nous conduit à reprendre la façon dont la violence physique a d’abord pu être intériorisée par Naïma et par Selma ; elles rejoignent sur cette question de l’incorporation les trois autres jeunes filles de nos observations.