3.3.3 Réinterrogation des instances psychiques porteuses du socius

A l’issue de l’originaire, les instances de l’appareil psychique se sont différenciées. Qu’en est-il au cours de l’adolescence ?

Au niveau métapsychologique, les relations entre le Moi et le Surmoi vont subir des transformations nécessaires à la fois à l’opportunité donnée aux pulsions d’atteindre leur but et au nouveau statut social de l’individu.

Avec le mouvement pubertaire, le Surmoi perd sa compétence tierce. La puberté crée une cassure dans le Surmoi : la part interdictrice persiste comme police interne et est mise en opposition avec le compromis narcissico-pulsionnel pubertaire. L’idéalisation adolescens se tourne vers “ le sujet parental de transfert". Ce sujet s’assimile à un sujet réel mais aussi à une cause, un groupe, une institution.

Le Moi de l’adolescent, instance intermédiaire entre les deux autres instances, est sollicité par le Çà qui recherche les satisfactions devenues réalisables.

L’inadaptation temporaire du Surmoi lors de la prime adolescence facilite l’épanouissement génital : "sa faille profite au pubertaire et à son élaboration" 90 . Conformément à Hartman et Loewestein, M. Laufer reprend l’idée de régression du Surmoi qui s’installe dans le contexte de génitalité, lorsque les identifications oedipiennes ne peuvent plus remplir leur tâche. Au sexuel se joint la réalisation possible de la pulsion agressive, régulée par l’interdit de meurtre, interdit fondamental et par la pulsion grégaire ou sociale qui pousse à la réunion, au rassemblement d’individus. Le premier rassemblement constitué par la famille prend une forme caduque, s’efface.

Tout à fait en concordance, dans la lignée des investissements sociaux, Diatkine pense que "Quand il n’est plus possible de dénier les effets de la puberté… Les idéaux parentaux semblent devenus inaccessibles et la dépression menace. Si l’adolescent parvient à trouver dans la culture, entendue au sens large, de nouveaux idéaux, il peut les partager avec des groupes de pairs, réels ou imaginaires, qui donnent l’assurance qu’il ressemble à son idéal du moi, et lui évitent ainsi des solutions plus désastreuses 91 ".

L’entrée en adolescence est investissement d’un monde social distinct de l’univers familial dans ses idéaux, ses habitus, ses interrelations. Le monde familial ne peut plus jouer le rôle d’étayage culturel qui lui était dévolu jusqu’ici. L’adolescent ne peut plus "s’y reconnaître". Il est dans l’obligation de rechercher des identifications plus adéquates. Les nouvelles identifications nécessaires à la maturation du Moi entrent en conflits avec les idéaux familiaux du Surmoi.

‘"L’adolescent est pris entre deux séries d’injonctions surmoïques, celle énoncées par le discours–du–père - au sens où les deux parents le soutiennent - et celles énoncées par le discours-du–maître - au sens où il fonde le lien social ” 92 .’

Le parcours transformationnel de l’adolescence s’étaie de nouveaux idéaux et de nouvelles identifications qui favorisent les mutations des liens entre le Moi et le Surmoi et le Moi idéal et l’Idéal du Moi. M. Laufer a décrit la création d’un "pseudo-Idéal du Moi, destiné à éviter l’angoisse et à participer à la défense contre les exigences instinctuelles" 93 . Ce pseudo–Idéal du Moi ultra–perfectionniste contrôle activement les pulsions, les pensées, les actes sexuels et, de ce fait, empêche toute contingence mutative.

Au cours de l’adolescence, l’espace Moi–Surmoi est la condition de possibilités d’après–coups non traumatiques symbolisants et aussi l’opportunité d’un nouveau travail de symbolisation à travers de nouvelles identifications individuelles, groupales ou purement culturelles.

Notes
90.

P Gutton, 2002, p 153.

91.

p 1561.

92.

P. Gutton, 2002, p103

93.

p 603.