4. Le "médium-culture"

A l’issue de cette première approche théorique des liens psyché-socius, je propose la notion de "médium-culture" pour désigner l’ensemble des processus socio-psychiques, internes-externes qui participent à la socialisation de la psyché. Je m’en explique.

Freud désigne par "actes psychiques sociaux" des formations appartenant à la psychologie individuelle et à la psychologie sociale. Le médium-culture s’apparente à ces actes psychiques sociaux.

Le mot culture, trop générique et polysémique ne convient pas à ce que nous souhaitons étudier.

Le "médium" dans le sens où l’entend M. Milner "une substance intermédiaire au travers de laquelle des impressions sont transférées au sens 105 " amène plus de cohérence. La culture, comme nous l’avons vu, passe par les différentes étapes de l’incorporation et de l’intégration psychique à travers le premier objet et le premier environnement, l’environnement familial. Le médium-culture occupe une place d’interface entre réalité externe et réalité interne, il est à la fois extérieure, interne et dedans-dehors. L’exemple du prénom que nous développerons au chapitre II démontre ces particularités : l’enfant entend l’autre le nommer, s’approprie son prénom comme un part de soi, l’utilise pour se désigner à la troisième personne du singulier avant d’employer le "Je", l’assimile à une enveloppe corporelle et enfin s’en sert comme source de réassurance narcissique dans un lien interne-externe.

Le " médium-culture" appartient aux formations et aux processus intermédiaires, au sens où l’entend R. Kaës, qui assurent des fonctions d’autoreprésentation et d’alloreprésentation. Ce dialogue incessant du Je avec le groupe, le socius crée un espace interpsychique, intersubjectif entre le groupe et le sujet, le socius et le sujet. Le médium-culture englobe toutes les formations initiant du socius dans le Je par des représentants, des porte-parole. Il est présent dans les couches plus archaïques de la psyché et comprend des signifiants socioculturels que le sujet s’approprie comme autant d’objets internes : la nomination, l’organisation familiale, l’organisation sociale.

Le médium-culture, base de compréhension du monde, inconscient, non-conscient et conscient se confronte à la culture environnante au cours de la vie du sujet.

Le médium-culture se forme au sein du socio-familial, cela fera l’objet d’explorations dans le chapitre suivant et à l’intérieur des institutions, ce qui sera traité au cours du troisième chapitre.

La notion de névrose de classe préconisée par V. de Gaulejac articulant processus sociaux de domination et processus psychiques, conflits intrapsychiques, conflits familiaux et histoire sociale du sujet pourrait être entendue comme une inadéquation entre médium-culture et culture environnante.

Le médium-culture assure une fonction intermédiaire, est subjectivé et trouvé-créé.

Notes
105.

Cité par R. Roussillon 1991, Rôle de l’illusion dans la formation du symbole, Revue française de psychanalyse, 1979, n°5-6.