2.1 Introduction à la compréhension d’un symptôme délinquant

Qu’est-ce qu’un symptôme ?

Le mot symptôme dérive étymologiquement du grec "ce qui tient ensemble". Le lien se dévoile sous la forme d’un signe ou d’un indice et cherche à assembler ce qui est montré, le signe ou l’indice, et ce qui est désigné, la complexité d’une histoire, déliée jusque là.

La définition du symptôme du petit Robert est la suivante : " Phénomène, caractère perceptible ou observable lié à un état ou à une évolution (le plus souvent morbide) qu’il permet de déceler". Le symptôme, notion empruntée à la médecine somatique est une métonymie qui désigne la partie expressive d’un contenu morbide.

Freud, coutumier de la remise en chantier de ses concepts, traite du symptôme tout au long de son œuvre, antérieure et postérieure à la seconde topique : au cours de la XXIIIème conférence en 1916 – 17, en 1926 dans Inhibition, symptôme et angoisse et encore au détour de L’homme Moïse et la religion monothéiste. Dans ce dernier ouvrage, il synthétise ses pensées sur la notion de symptôme en psychanalyse. Dans le champ psychanalytique, comment se manifeste le signe ou l’indice, dénommé symptôme ?

‘"C’est la pulsion qui … constitue le symptôme et c’est la raison pour laquelle Freud distinguait d’emblée inhibition et symptôme… Les différences au niveau de la formation et de la forme du symptôme… dépendent de la nature du conflit : menace de castration, perte d’objet, enjeu narcissique, aliénation, névrose, dépression, état limite, psychose 117 ". ’

L’expression du symptôme passe par le corporel, là où le rêve restitue des images. Il est conversion hystérique, phobies ou idées obsédantes dans la névrose obsessionnelle, crise d’angoisse chez le névrosé et passage à l’acte et violences dans les pathologies du narcissisme.

Comme le rêve, le symptôme est constitution d’un compromis entre les différentes instances psychiques, le Moi et le Çà pour le névrosé et le Moi et la réalité pour le psychotique. Ce compromis vise la satisfaction du désir tout en préservant les défenses, par condensation et déplacement (En ce sens, le cas de Jean est exemplaire). Ce faisant, il réconcilie des forces séparées.

Le symptôme a un caractère de contrainte, indépendant à la fois des instances intrapsychiques et du monde extérieur :

‘"Ils (les symptômes) sont en quelque sorte un Etat dans l’Etat, un parti inaccessible, impropre à la collaboration, qui peut cependant réussir à dominer l’autre, ce qu’on appelle le normal, et le plier à son service. Si cela se produit, une réalité psychique interne en arrive à prédominer sur la réalité du monde extérieur, le chemin qui conduit à la psychose est ouvert 118 ".’

Le symptôme est lié au traumatisme réel ou fantasmatique soit sous la forme d’une répétition du traumatisme dans une tentative de le remémorer, soit au contraire sous forme d’un évitement de la répétition, du retour du traumatisme refoulé ou clivé. Il porte la trace du conflit qui en est l’origine.

Le symptôme, dérivé de la pulsion, tentative de symbolisation, met en évidence un indice qui s’inscrit dans le biologique, dans le corporel.

Depuis Freud, les psychanalystes traduisent les manifestations corporelles en terme de conflits psychiques non élaborés ou en cours de représentation. La reconnaissance de l’acte dans sa fonction symptomatique est demeuré longtemps en suspens.

‘"Il est relativement récent, et encore peu fréquent, de considérer que la valeur psychique de l’acte tient à ce que ce surgissement de l’immédiat peut être interprété comme temps premier d’un processus de symbolisation, transformant ainsi le signe en médiation de sens et mettant en mouvement un processus de symbolisation" écrit R. Kaes en 2002 119 . ’

P. Jeammet, dans son article Actualité de l’agir en détermine toutes les ramifications quant aux symptômes concernant les adolescents. Les pathologies adolescentes se déclinent soit du côté de l’agi qui s’exprime dans les conduites addictives, toxicomaniaques ou alimentaires et dans les tentatives de suicide, soit du côté de la passivité que P. Jeammet nomme "pathologie de retrait", désinvestissement scolaire ou sociale mais aussi des processus de pensée et de liaison…

Parmi les pathologies de l’agir, où situer les conduites délinquantes qui ne s’attaquent pas au biologique mais à l’environnement social ? Les pathologies, désignées comme psychopathiques, présentent un symptôme de passage à l’acte violent. Là où d’autres utilisent leur corps comme intermédiaire dans la relation à l’autre en particulier dans la relation aux objets parentaux, le symptôme délinquant attaque directement l’autre, entre dans son espace physique et psychique. Au cours du débat que j’ai restitué plus haut entre les participants d’un groupe de parole, l’effraction dans l’espace de l’autre est perçue. Mais elle se combine et fusionne avec une intrusion dans le propre espace psychique de l’auteur. Le groupe s’entête à trouver une solution pour effacer cet instant confusionnel Moi/non-Moi.

Le symptôme délinquant, expression de la souffrance du sujet ou encore enjeu existentiel imminent, passe par un acte qui contrevient aux règles sociales (vols, violences). Ces violences métaphorisent parfois la transgression des lois humaines : inceste et meurtre. Fantasmes incestueux et parricides sont réveillés par le pubertaire.

Ces manifestations bruyantes occultent l’autre versant de la délinquance juvénile, mélancoliforme, retrait de toute instance sociale, scolaire ou de formation et le plus souvent impossible accès à un travail thérapeutique "ordinaire" (psychothérapie individuelle).

In fine, nous entendons l’agir délinquant comme un symptôme psychopathologique, symptôme se déclarant plus particulièrement lors du pubertaire.

Notes
117.

dictionnaire international de psychanalyse

118.

Freud, 1939, p 164.

119.

Médiation, analyse transitionelle et formations intermédiaires in Chouvier et al. Les processus de médiation, p 17.