2.3.4 Antisocialité et asocialité

Il n‘y a pas d’unité structurelle des jeunes que nous avons rencontrés. Nous englobons souvent rapidement les jeunes délinquants au sein des pathologies du narcissisme, ce qui est fréquemment le cas mais pas exclusivement. Les organisations psychotiques sont fréquentes ainsi que des organisations en voie de réorganisation sur un mode oedipien plus élaboré. Mais là n’est pas réellement notre propos si ce n’est que le rapport à la réalité et la capacité à s’adapter au social vont différer. Toutefois, je me rallie à la pensée d’un possible réajustement entre le Moi et l’extérieur quelque soit l’organisation psychique.

Nous souhaitons développer ici une possible différenciation du public que nous avons rencontré au regard du comportement délinquant et de l’apparition de cet acte dans la vie du sujet. Comme toute figure théorique cela aura quelque chose d’un peu schématique. Nous avons observé la présence de deux populations, distinctes par l’âge de la première incarcération. A l’enquête psychosociologique, 77% des détenus ont répondu avoir plus de 18 ans lors de leur première incarcération. Par le jeu judiciaire, l’âge de l’incarcération n’est pas un critère suffisant pour déterminer l’âge des premières conduites antisociales : certains délits passés sous réserve ou faisant l’objet de mesure alternative à l’incarcération lorsqu’il s’agit d’un mineur seront condamnés d’une peine d’emprisonnement passée la barre des 18 ans. Même si nous pouvons imaginer que dans un grand nombre de cas, la situation est celle-ci. (Nous n’avons aucun chiffre sur les suivis en milieu ouvert). En revanche, 40% des jeunes ont été placés. Et sur ces 40%, 54% n’ont pas été incarcérés pendant leur minorité contre 92% pour ceux vivant en famille.

Nous faisons donc l’hypothèse que l’entrée dans la délinquance est conséquente du pubertaire, ou préalable au passage à une position d’adulte. Nous aurions alors deux profils différents de personnalités délinquantes ce qui impliquerait l’adaptation de cadres de soins appropriés à chacun de ces groupes. J’ai nommé ces groupes : les antisociaux pour les jeunes délinquants du pubertaire, reprenant la terminologie de Winnicoot et les asociaux pour les délinquants de l’adultisation.

Nous allons maintenant les décrire successivement et en nous attardant plus particulièrement sur la population de jeunes majeurs.