2.1 Famille – perception 

Dans la configuration "famille-perception", le sujet organise sa représentation graphique autour du critère de "proximité" ou sensation-perception. La proximité est soit géographique - toutes les personnes qui habitent auprès de chez moi - soit affective - toutes les personnes que j’aime, que je fréquente régulièrement – soit une superposition des deux critères de proximité. Le graphisme n’est pas ordonné selon deux axes, filiatif et consanguin. L’agencement des différents membres de la famille sur l’espace–feuille n’indique aucunement le mode de relations interpersonnelles – de filiation, d’alliance ou de fraternité - entretenu entre deux membres de la famille. Le modèle est celui d’un listing dont l’organisation échappe au premier abord. La représentation évite toute zone de conflit intrafamilial ou de différenciation.

L’ organisation du schéma de Lamzi s’ancre dans la proximité affective de chacun des membres constituant son schéma. Les regroupements sont établis selon une double logique, temporelle et affective : les liens les plus anciens, ses grands-parents, sont assemblés aux liens de consanguinité les plus proches : sa fratrie, le cousinage et les similitudes historiques, ses sœurs adoptives et leur famille constituent un second groupe et pour finir sa famille en devenir, sa conjointe. La génération de ses parents qui l’ont abandonné est forclose. A la mort de la grand-mère toute-puissante, la horde fraternelle retourne au cannibalisme. Lamzi risque de se faire dévorer dans sa qualité de double de l’objet totalitaire.

Lamzi, au cours des entretiens, ne révèle pas de troubles graves de la personnalité. L’inscription d’une famille secondaire, à droite du graphique fonderait quelques espoirs quant à son avenir. Cette configuration d’une famille–perception tente une organisation qui n’aboutit pas. Certains éléments empêchent de penser le rapport des membres de la famille entre eux : les enfants de ses cousines devant lesquels Lamzi hésite sur la légitimité de leur inscription…

Michel établit une unique liste de noms. Les membres sont ordonnés de la famille nucléaire à la famille partageant le même terrain. Aucune différenciation ou regroupement n’est tenté. Michel ne se note pas mais toute l’organisation familiale gravite autour de lui, il en est le pivot égocentrique : il écrit mon père, ma mère, ma tante…

La famille de Tair présente une confusion des générations. L’ordre s’établit du plus grand au plus petit ou du plus fort au plus faible. Aucun élément nous permet de mesurer où se situe les différenciations entre les membres de la famille. Hors la toute puissance de l’objet primaire, l’autre apparaît menaçant.

Dans cette configuration, nous assistons à un écrasement des générations et à la non-différenciation des sexes. L’autre est perçu dans le lien anaclitique, de co-étayage indifférencié.

Prime au sein de cette configuration le travail de l’originaire avec ses figures du double, de complémentarité et d’autoengendrement du monde.

La figure de la confusion ou forme de l’agrégat familial décrite par P. Roman, s’organise "autour d’un déni de l’altérité…, déni qui vise à protéger l’enveloppe psychique, en ce qu’elle contient et organise l’ensemble des enveloppes individuelles, des effets schizoides et/ou paranoides de la rencontre avec l’objet".

P. Roman souligne que le modèle de co-étayage indifférencié qualifie le mode de relation d’objet au sein du groupe-famille. L’agrégat familial est patent dans la représentation graphique "famille–perception".

Aucune sortie n’y est envisagée, le magma régnant ne permet ni de structurer l’appareil psychique, encore moins une ouverture vers le social.

La question du meurtre est latente et ne peut y être traitée. Le meurtre n’est pas meurtre de l’autre mais destructivité de la partie complémentaire créée par soi. Le sentiment de protection par le groupe familial est précaire. La mort de la grand-mère de Lamzi détruit les liens entre les membres, voire les sujets eux-mêmes. La fragilité du groupe interne par le fantasme de dévoration n’offre pas de lieu réceptacle de la pulsion d’autoconservation, tout comme pour Michel qui se réfugie dans sa voiture, et qui n’y trouve que du danger.

Le sujet se vit sous la menace permanente d’un retour au chaos.