2.2 Famille unilinéaire

Une seule branche de la famille, paternelle ou maternelle, est représentée ou surreprésentée sur trois générations. L’autre lignée est signalée soit par la seule présence du parent concerné soit par le parent et sa fratrie. Les rapports de filiation et de parité au sein de la lignée, élective ne subissent aucun dommage.

Cinq jeunes ont une représentation unilinéaire de la famille.

Adjib présente une famille unilinéaire car il ne fait figurer que la génération de sa mère. Ses grands-parents maternels sont évoqués mais non représentés. La famille de son père est investie comme l‘unique lien de filiation : "mon nom est 100% algérien" .

Malek note son père à droite de la feuille. Son père n’a pas de famille. La double page est occupée par la famille maternelle en particulier par les frères et sœurs de sa mère. La représentation graphique évoque un rapport incestuel entre sa mère et l’un de ses frères alors qu’elle n’a aucun lien avec le père de ses enfants. La représentation graphique de Malek est unilinéaire maternelle.

La configuration de Mario présente la particularité d’une organisation polygame de la famille où le père est placé au-dessus de tout et de tous. Sa représentation graphique est unilinéaire. Elle prend en compte trois générations : parents, enfants et petits-enfants, les enfants de ses frères. Les femmes-mères occupent une ligne générationnelle intermédiaire entre le père et les enfants.

Aucune lignée maternelle n’est figurée. D’ailleurs si Mario évoque les origines italiennes de sa mère, il ne les reprend pas à son compte, parlant avec plus d’aisance de mythes et légendes africains. L’arbre généalogique de Mario simule la horde de "Totem et tabou" où le père détenteur de toutes les femmes est à l’origine d’une nombreuse descendance.

La représentation graphique de Smaël est unilinéaire paternelle. La mère fait alliance avec le grand-père paternel auquel aucune épouse n’est rattachée.

Les représentations graphiques sont soit matrilinéaires, Malek, soit patrilinéaires, Mario, Adjib et Smaël. F. Marty souligne le caractère psychotique de ce type de représentation unilinéaire. Il ajoute que la "transmission des générations par voies masculines à partir d’un père idéalisé 210 " mène à "une impasse généalogique" par l’inversion de la succession des générations.

La prégénitalité prévaut soit du côté de la fusion mère-enfant, soit du côté de l’homosexualité archaïque soit encore rattachée à des parents combinés unis par des pulsions destructrices, excluant l’enfant.

Dans la majorité des cas, cette configuration conclut à un écrasement de l’inscription intergénérationnelle.

Au niveau intrapsychique, on assiste à un déni de la scène primitive, au niveau groupal à de l’endogamie, même si elle laisse ouverte la poursuite généalogique. La représentation de Mario inclut une poursuite des générations descendantes mais exclut toute relation conjugale.

La famille endogame garantit la continuité du sujet, la protection du sujet, répond à la pulsion d'autoconservation :  " Dans le cas de l’endogamie, il s’agit de consolider ou de perpétuer "les avantages précédemment acquis" 211 " écrit A. Eiguer en commentaire des thèses de C. Lévi-Strauss. Le sentiment d’exil qu’elle qu’en soit l’origine, exil externe ou interne, être exilé à soi-même renforce ce type de représentation d’un groupe le plus homogène et uniforme possible.

Ici, le traitement de la différenciation sexuelle entre les deux parents fait écueil, les tentatives de différenciation des générations n’aboutissent pas. Ce type de famille, comme les théories sexuelles infantiles luttent contre toute différenciation et séparation des deux parents. L’émergence d’une première pulsion sexuelle ne trouve pas de réponse adéquate dans l’environnement.

En revanche, contrairement à la famille-perception, une première différenciation schizoïde prend forme, première différence entre moi et l’autre, entre bon objet et mauvais objet.

Notes
210.

1999, p 121.

211.

1987, p 98.