4.4.3 Des relations fraternelles socialisantes

Pour d’autres la fratrie est investie au sein de liens ambivalents, de protection et de rivalité.

La plupart des sujets de notre recherche imagine un statut d’exception ou un destin exceptionnel tel Joseph, fils de Jacob dépeint par Thomas Mann 238 : Mario, Jean. Attirer le regard de la mère, être le préféré du père participent de comportements sociaux de compétition et de valorisation reconnus socialement. Freud décrit ce phénomène est Un enfant est battu en 1919.

Participant de ce fantasme, Mario raconte la scène où son frère est battu par son père et insiste sur le fait qu’il ait moins souffert des violences paternelles.

Par ailleurs, Mario exprime tout comme Salah et Smaël des affects mêlés d’amour et de haine envers sa fratrie. Ils s’entendent sur la souffrance que procure l’apprentissage de la fraternité.

D. Marcelli écrit : "Dépouillée de tous ses oripeaux, quel est l’incontournable de la relation fraternelle, l’obstacle têtu de la pulsion : le partage…" 239

Mais également, chacun en tire aussi des profits narcissiques – réussite des frères et sœurs (Jean et son frère cadet très brillant, la sœur de Mario, étudiante) et l’expérience de liens objectaux positifs, de soutien et de protection.

En conclusion, les liens adelphiques fantasmatiques se positionnent toujours en décalage, voire en opposition avec les représentations filiatives. Ils déconstruisent ou au contraire structurent les liens préexistants au couple parental. Dans le cas de Mimoun la déconstruction est patente. En revanche, l’analyse de sa représentation graphique de Marion montre son accès à l’ambivalence des relations alors que son arbre généalogique est unilinéaire et polygame.

Se dégage dans les familles-magma une ébauche de sérialité, du plus grand au plus petit, du plus fort au plus faible, qui offre un fond syncrétique rassurant mais vulnérable (Taïr).

La forclusion ou l’exhaustivité de la représentation fraternelle constituent des défenses contre l’accès à la génitalité, à l’individuation. Ces tentatives de maintenir coûte que coûte un milieu homogène révèlent la peur de la rencontre avec la sociabilité qui demande d’accepter des positions ambivalentes, positions retrouvées dans les représentations des groupes fraternels socialisants.

Qu’en est-il dans le prolongement de ces réflexions des afiliations délinquantes ?

Notes
238.

Thomas Mann, Joseph et ses frères, Paris, Gallimard.

239.

Marcelli Daniel : Œdipe fils unique, Adolescence, 1993,11,2, 229-248, p 241.