2.1 Mario ou la croyance honteuse en vaudou

Mario a vécu son enfance entre deux familles, française et rurale celle de sa nourrice, africaine et intellectuelle celle de son père. Mario pense qu’il a été abandonné par sa mère.

En prison, Mario est inscrit en classe de première. Il nous fait part de sa volonté de comprendre le fonctionnement des autres afin de manier le discours ambiant, en particulier juridique, et de le contrecarrer.

L’éducation rigide de sa nourrice lui a transmis les valeurs traditionnelles d’une famille française, catholique pratiquante.

De son père, il se souvient qu’il parlait beaucoup de lui et Mario ne prêtait pas toujours foi à ses dires.

Un jour, du bout des lèvres, avec quelques hésitations, Mario nous informe de deux épisodes de sa préhistoire :

  • Le premier met en scène la mort du frère jumeau de son père Son oncle a été saisi par les sorciers-vaudous dans la forêt qui l’ont tué. Mario est certain de la véracité de la narration de son père sur le décès de son oncle.
  • Le second affirme l’indestructivité paternelle. "Un jour mon père pendant son sommeil s’est fait mordre par un serpent. Il s’est réveillé et est allé à la messe. Il n’y a pas eu de suite à sa morsure. Il voulait dire que quoi qu’il arrive il faut croire… il faut continuer et pas se laisser aller. D’ailleurs dans ma famille d’accueil j’allais aussi à la messe le dimanche. J’ai été baptisé, j’ai fait ma profession de foi et ma première communion". 

Mario répète qu’il agrée aux croyances vaudous nous suspectant d’un certain scepticisme.

Ces récits estompent, comblent le blanc, le vide des deux premières années par un ancrage culturel qui vient répondre à "l’impasse d’une connaissance par voie directe de l’infans en l’absence de mythes et légendes 251 ".

Les scènes africaines mettent en scène son oncle, frère jumeau du père et son père, l’un meurt, l’autre survit. Les pulsions agressives s’adressent au double du père, le père est sauvé par la religion qu’il partage avec son fils.

L’homme survit à ses pulsions pour aller vers des objets sublimatoires : la religion. L’homme héroïque survit à l’attaque venimeuse du serpent. Cette double figure paternelle ancrée dans les mythes vaudous détruit-crée un père nouveau inscrit dans une culture et auquel Mario accepte de croire, de porter foi. Mario se réconcilie avec son père à partir d’un médium culturel qui lui permet de penser ses origines, de se représenter son histoire, de relier ses désirs de meurtre et d’amour.

La culture offre là un espace intermédiaire facilitant la mise en représentation de pulsions opposées : idéalisation et désir de meurtre à l’égard de son père. On peut faire l’hypothèse d’un fantasme originaire composé autour de la survie à la morsure du serpent.

Etre d’ici et d’ailleurs ouvre la voie du traitement de l’étranger et du semblable en soi.

Notes
251.

Anna Freud citée par Kahn Laurence : le petit primitif et l’enfant culturel, f .a n°6, Mars 1999