1. La consigne et son invitation à transitionnaliser

L’énonciation de la consigne crée une scansion dans la relation transféro-contretransférentielle. L’invitation à une potentialité transitionnelle, de prime abord auditive, fluctue d’une représentation de mot à une représentation de chose.

La trajectoire spatiale augure le processus de séparation puisque le plus souvent elle a été proposée au cours de l’avant–dernière séance, après une suite de rencontres – au moins deux -. La suggestion advient alors que le sujet a pu expérimenter une relation "suffisamment bonne" et contenante, que des liens interpsychiques et intersubjectifs se sont tissés,.

La perception auditive de l’énoncé crée un premier mouvement associatif. Pour certains, la réponse à la consigne, première réaction participe d’un temps de latence avant la réalisation du dessin lui–même, temps d’appropriation, temps de contact avec son monde interne et des traces psychiques, figurées ou non sur le dessin.

La polysémie du verbe "habiter" suggère une scène de l’origine, des origines, une enveloppe maternelle, une rupture, une limite ou encore, paraphrasant Heidegger "bâtir", "penser" 286 .

Heidegger hiérarchise et relie trois fonctions humaines : habiter, bâtir et penser. "Etre homme veut dire : être sur terre comme mortel, c’est à dire habiter 287 ". Ces trois fonctions se définissent comme suit.

  • Habiter est fondamental dans sa dimension d’accès au sentiment de finitude, à la castration. L’homme est mortel et forme un tout avec trois autres éléments, le ciel, la terre et le divin.
  • L’homme habite la terre et bâtit. En bâtissant il donne existence aux lieux et signifie un rapport entre lieux et espaces. L’homme construit des contenants, habitats, et des connexions entre les espaces. Il délimite les espaces, les rassemble et les relie.
  • Enfin, en corrélation avec le fait de bâtir, penser peut émerger. "Le rapport de l’homme à des lieux et par des lieux, à des espaces réside dans l’habitation. La relation de l’homme et de l’espace n’est rien d’autre que l’habitation pensée dans son être 288 ". Penser et bâtir appartiennent à l’habitation.

Par analogie, "habiter" invoque les contenants de pensée que D. Anzieu a mis en évidence à partir de la notion de moi-peau. Ils sont également de trois ordres.

  • Moi-sac : il éprouve la solidité d’un conteneur en déposant toutes les pensées dans le même sac. En revanche, il est menacé d’être transpercé, troué, de se fissurer ou de se vider.
  • Moi-pensant : il construit des limites, posent des barrières, cerne et encercle. "Les barrières de contact contrôlent la circulation des pensées et les passages vers la conscience 289 ". L’angoisse se porte sur le contact entre interne et externe.
  • Penser est établir des échanges, instituer des limites. La pulsion épistémophilique joue un rôle moteur. L’angoisse est d’un double nature, du claustrum ou de la béance.

La médiation, "invoquant l’habiter, l’avoir habité" propose de mettre en forme un rapport à soi et au monde autour des enveloppes primaires, des échanges internes et internes/externes et enfin de la pensée et des angoisses à penser.

Le fil de notre développement se déroulera de la pensée sur/de la médiation à travers l’appropriation subjective du médiat à l’activité créatrice subséquente.

Notes
286.

Heidegger Martin, 1954, Bâtir, habiter, penser in Essais et conférences, 1958, Paris, Gallimard.

287.

Idem, p 173.

288.

P 188.

289.

1993, p 29.