2.1 Deux situations limites 

Smaël et René ont été reçus par Lucile lors des deux premiers entretiens. J’interviens au cours de cette série de rencontres pour introduire la médiation trajectoire spatiale. Mon intrusion transforme le syncrétisme du cadre. Les deux jeunes s’opposent dans un premier temps à la figuration. Le blanc de la feuille, persécutoire, souligne l’effraction dans un espace psychique commun construit entre la stagiaire et chacun des deux protagonistes, effraction perçue puis transformée par l’un et par l’autre. La rupture imposée se doit d’être prise en compte dans la compréhension des mouvements psychiques en particulier pour faire face à la crainte de l’effondrement, d’une angoisse agonistique, réactivée en sus par l’énoncé de la consigne et la vue de la feuille blanche.

Ces situations confirment que la figuration se nourrit de l’histoire de la relation transféro–contretransférentielle, que la trajectoire dessinée est double : à la fois trajectoire de vie individuelle et histoire de nos rencontres dont le terme approche. Deux histoires se déroulent en parallèle "… celle qui raconte les événements d’une vie et celle qui se raconte les aventures du transfert, se déroule côte à côte et se renvoient l’une à l’autre. Le choix des "événements-souvenirs" ou des "événements-images" que le tracé de n’importe quelle séance va relier doit toujours être compris comme un effet du transfert 290 ".

En ce sens, Smaël et René figurent l’ici et maintenant et dénoncent de prime abord l’incompatibilité entre la proposition projective de la trajectoire et le cadre au sein duquel nous la formulons. Les dessins de Smaël et René sont marqués par une rupture causée par l’irruption dans la relation transférentielle.

La représentation graphique de Smaël se résume à la première pierre d’un édifice en construction-déconstruction en bas à gauche de la feuille. Celle de René, en bas à droite, est plus sophistiquée, une barre d’immeubles. Ni l’un ni l’autre ne marquent la temporalité. En revanche, Smaël associe sur son rapport à l’espace, espace de la ville, de son quartier, de l’appartement familial.

Malgré ces objections, j’ai conservé ce matériel qui sera mentionné à chaque fois qu’il s’accorde avec les questions abordées tout en tenant compte des réserves soulevées précédemment.

Notes
290.

Aulagnier P, 1970, "Temps de parole et temps de l’écoute" in 1991, Un interprète en quete de sens, Paris, Payot, p 135.