1.1 Le présent dans la psyché

Le temps présent se décline selon trois modalités : l’expérience temporelle, les remaniements de l’adolescence et la temporalité métapsychologique.

1.1.1 L’expérience temporelle

Mais qu’est ce que le temps présent, l’actuel  dans la psyché ?

Le temps est expérience temporelle orientée du passé vers le futur. "Au milieu se tient notre présent, c’est à dire notre présence au monde" 307 . Le présent possède un statut particulier dans la psyché, entre la construction historique et l’anticipation d’un futur.

‘" Etre pré-sent (lat. prae – sens) c’est être à l’avant de soi. Imminente à soi la présence est précession d’elle–même. Impossible au regard de toute positivité, fut–elle idéale, son pouvoir être est, au–delà tous les possibles, transpossibilité." 308 .’

Cette citation d’H. Maldiney précise la position du sujet toujours devançant la réalité du temps. Par cette assertion, H. Maldiney insiste sur le présent dans sa qualité anticipatoire. Le futur crée le présent .

P. Aulagnier soutient une position similaire lorsqu’elle parle de projet identificatoire ou de fonction de l’idéal :

‘"… énoncés successifs par lesquels le sujet définit (et pour lui et pour les autres) son souhait identificatoire, soit son idéal. Le "projet" est ce qui se manifeste comme effet des mécanismes inconscients propres à l’identification ; il représente, à chaque étape le compromis "en acte" 309 . ’

Le projet dans le futur va définir le sujet dans le présent. Le projet identificatoire participe de l’auto-représentation du sujet : "… le projet ne représente pas autre chose que la réponse que le sujet forge à chaque fois qu’il se demande ce qu’il est (ou qui est "je"), il est ce qu’il offre à sa demande identificatoire." 310

Le présent du projet identificatoire s’apparente à l’appareil auto de R. Roussillon :

‘"A côté de l’exigence de travail psychique imposée par la pulsion, dialectisée à l’exigence de travail psychique, imposée par les objets présents et passés, la subjectivité impose un travail d’auto-observation, d’auto-information, d’auto-appropriation du processus psychique lui-même 311 ".’

En se projetant dans l’avenir, le Je se représente lui-même, se représente son travail de représentation du futur. Cette activité auto-représentative est en partie consciente et en partie sous-tendue par des enjeux inconscients. Le psychisme se met en rapport avec lui-même.

La position de Daniel Stern se distingue de celle des auteurs précédents. Tout est dans le présent.

Son article, La vie avec les êtres humains : un son et lumière qui se déroule temporellement, soutient que "… tout arrive dans le présent. Un souvenir vient dans le moment présent même si la référence en est un moment du passé. Le principe est le même lorsqu’il s’agit d’anticiper l’avenir" 312 . Son étude sur le présent du petit–déjeuner comme un récit à la Philippe Delerm 313 nous intrigue à la fois dans la ritualisation et dans sa singularité. D. Stern interviewe des volontaires sur le déroulement de leur petit–déjeuner. Il interrompt toute tentative associative dans le discours des volontaires pour ne conserver que l’aspect descriptif. L’ici–maintenant est présent du présent, passé du présent et l’avenir du présent. La condensation dans le présent est dévoilée par la description de l’expérience et demeure entièrement dans l’inconscient. Le temps de l’expérience "polyrythmique et polysymphonique 314 " contient une grande partie de la vie subjective.

Notes
307.

Green André, 2002, Idées directrices pour une psychanalyse contemporaine, Paris, PUF, p 247.

308.

Maldiney H, 1976, "Psychose et présence" in, 1997, Penser l’homme et la folie, Grenoble, Jérome Million, p 81.

309.

Aulagnier Piera, 1986, Demande et identification in Un interprète en quête de sens, 1991, Paris, Payot, p 182.

310.

Idem, p 185.

311.

2001, p 147 .

312.

2002, in Boubli M, Konicheckis A et al, Clinique psychanalytique de la sensorialité, Paris, Dunod, p 34.

313.

1997,La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, Paris, Gallimard. Phillipe Delerm écrit, décrit, romance les instants de la vie quotidienne, de nombreuses "madeleines", évocatrices de à la fois d’une culture commune et de souvenirs personnels.

314.

Idem, p41