2.1 Résultats de l’enquête psychosociologique et constats cliniques

Notre enquête a été élaborée en vue d’une étude différentielle des jeunes ayant vécu un placement et des jeunes n’ayant pas quitté le domicile familial.

Sur la population ayant répondu au questionnaire, 60% n’ont jamais été placés et 40% ont été placés dont 38% pendant l’enfance et 62% pendant l’adolescence.

Peu de différences significatives apparaissent entre ces deux populations au cours de l’analyse statistique.

L’étude des données objectives montre que le nombre d’incarcérations et l’âge de la première incarcération différent significativement : les jeunes placés sont incarcérés plus souvent en tant que mineur et ont été condamnés à un nombre plus important de peines d’emprisonnement. Nous pressentons que l’incarcération s’inscrit dans la logique d’un parcours délictueux entamé au moment du pubertaire mais aussi que la "démission" parentale favoriserait des mesures d’enfermement et d’exclusion sociale.

Les secondes différences significatives sont subjectives cette fois : les jeunes placés déclarent en plus grand nombre avoir subi des violences et ils montrent plus d’ambivalence quant à l’appréciation de leur enfance sur une échelle de bonheur.

L’intérêt de ces items ne porte pas sur le contenu ni sur la réalité des faits mais sur la possibilité d’annoncer avoir vécu des événements traumatiques et de sortir du monde idéalisé de l’enfance.

L’accès à une position subjectivée, différenciée, sensible semble plus fréquent chez les jeunes ayant vécu un placement.

Qu’en est-il dans la clinique ? Nos observations confirment-elles un processus de subjectivation plus avancé chez les jeunes ayant été placés ?

Sur les neuf jeunes parvenus au terme du cycle d’entretiens, deux ont été placés enfant – Mario et Adjib -, un a été placé au moment de l’entrée en adolescence – Mimoun – et deux ont vécu en internat scolaire à la demande parentale. Nous avons estimé que nous pouvions rattacher ces deux derniers au groupe des jeunes ayant vécu un placement, ceci en tenant compte du fait de la spécificité de la séparation, du passage d’un univers familial à un univers institutionnel.

Nous relevons chez les trois premiers des capacités à historiciser que nous ne trouvons pas ailleurs, d’accession à une chronologie temporelle, de liens avec des données objectives de la vie.

Les deux derniers ont pu juxtaposer des événements dans une première tentative de création d’une histoire.

Les quatre jeunes restants, non placés n’ont pas de représentation du présent, encore moins d’un déroulement orienté du temps.

Cette population de jeunes ayant connu un placement présente des caractéristiques dans l’échantillon de l’enquête et dans le groupe de recherche clinique. La réalisation d’un travail de secondarisation, de reconstruction d’une histoire plus ou moins subjectivée a abouti.