Controverses au sujet de "l’institution appropriée"

Winnicott découvre la fonction soignante de l’institution à travers sa matérialité puis l’occasion qu’elle procure d’éprouver un environnement suffisamment bon.

‘"L’enfant antisocial a donc besoin d’un environnement spécialisé à visées thérapeutiques, capable de répondre, dans la réalité, à l’espoir exprimé par ses symptômes. Pour être efficace sur le plan thérapeutique, cette prise en charge doit être de longue durée puisque … l’enfant n’a à sa disposition que peu de sentiments, de souvenirs conscients. Avant de renoncer à ses défenses contre une angoisse intolérable, toujours susceptible d’être réactivée par une nouvelle déprivation, il faut que l’enfant apprenne à faire confiance à un nouvel environnement, lequel doit être stable et objectif 324 ".’

Mario a vécu jusqu’à douze ans chez une nourrice. Adjib a été ballotté entre foyers, domicile maternel et domicile paternel. Enfin, Mimoun a le parcours désormais ordinaire des jeunes délinquants incasables, de la Cité de l’Enfance au Centre d’Education Renforcé.

La répétition a creusé son travail de symbolisation au mépris de la stabilité… La controverse avec Winnicott porte sur l’objet. L’objet nécessaire ne serait pas un objet externe précis, un référent, mais un objet plus fluctuant porteur d’une empreinte sociale, des objets se substituant les uns aux autres, qui permettent des liaisons intrapsychiques, qui offrent une attention continue. La répétition d’un cadre institutionnel, quel qu’il soit, convient jusqu’à ce que l’autre commence à exister et qu’un lien à plus long terme puisse s’établir ?

Certains jeunes mettent à mal les institutions les modalités éducatives ou thérapeutiques proposées. Ils vont d’institution en institution au gré des renvois et des nouveaux placements. Les équipes éducatives dressent un constat d’échec de ces passages. Le sont-ils autant ?

Mario décrit très bien des souvenirs, des marques, des traces mnésiques de plusieurs lieux où il est passé. Adjib raconte des échanges qu’il a entretenu avec plusieurs adultes en position parentale.

Le maintien d’un cadre institutionnel ne supposerait pas la continuité au sein d’un même lieu qui doit tenir vaille que vaille, mais pourrait s’envisager dans une pluralité des lieux, successifs ou concomitants favorisant une fragmentation des angoisses. P. Jeammet a permis de penser la thérapie bifocale voire multifocale, pourrions-nous penser en terme de prise en charge pluriinstitutionnelle où se maintiendrait le souci porté au jeune antisocial ?

Les recherches de P. Fustier apportent de nouveaux arguments à mon point de vue.

Notes
324.

Comment compenser la perte de l’environnement familial chez les enfants déprivés in 1994, p 210.