Le rôle initiatique des institutions éducatives

P. Fustier examine les institutions à la lumière des travaux sur les rites de passage de l’ethnologue Arnold Van Gennep. Van Gennep définit trois phases des rites de passages :

Les rites de passage peuvent ne comporter qu’une seule phase ou les trois phases. La phase de séparation ouvre à l’accès dans l’institution ou prépare aux différents passages à l’intérieur de l’institution jusqu’à la sortie définitive : entrée en chambre collective puis passage en chambre seul et enfin, accession à un appartement autonome.

P. Fustier soutient que les institutions fonctionnent soit dans la continuité de l’existant – le maintien en famille -, soit dans la séparation et la rupture – le placement, l’éloignement de l’enfant de son milieu familial.

L’auteur va dans notre sens lorsqu’il évoque que

‘" la démultiplication d’un rite de passage en rites successifs et articulés entraîne des mico-changements que l’on peut considérer comme caractéristiques d’un passage, d’un changement de position peut-être minime, mais signifiant cependant l’entrée dans un processus de changement de génération. Autrement dit, le changement de génération est un processus aboutissant à un état (d’adulte) et les micro-changements marquent qu’un sujet est entré dans le processus (même s’il n’en devient pas adulte). 325 "’

P. Fustier prolonge sa pensée par l’hypothèse de la présence d’un double organisateur dans les institutions où certaines formes de rituels scandent la vie institutionnelle et tout particulièrement le rituel d’entrée. D’une part l’institution se prévaudrait d’un lien d’autorité, d’un domptage de l’adolescent accueilli qui mobiliserait des mécanismes d’identification à l’agresseur. D’autre part, un lien contenant, malléable permettrait de trouver-créer un objet adéquat ou de détruire-créer un nouvel objet.

Il semblerait donc que la population qui nous préoccupe ait trouvé sur sa route des passages, des chemins de traverse qui accompagnent toute mise en représentation.

Alors que je m’étonnais que Mario n’ait pas hiérarchisé les foyers où il a séjourné en fonction de la durée de son séjour, il peut raconter des souvenirs rattachés à des lieux de passage. Il raconte l’arrivée dans une famille d’accueil : une maison perdue au fin fond des monts du Lyonnais où le père l’a accompagné dans sa chambre et lui a indiqué qu’il l’attendra à l’heure fixée pour le diner mais qu’il ne détenait aucun moyen de le retenir. Ces paroles, moments de rencontre et de considération mutuelles dans un cadre strict auquel il faut se plier pour y avoir sa place entraîne ce que P. Fustier nomme des micro-changements. Ceux-ci aident à la construction d’une histoire, d’un récit, à situer des origines à l’inverse de la normopathie qui consiste en une hyperadaptabilité, une hypermaturité 326 .

Les institutions éducatives ont pu aider au processus de subjectivation des sujets, à l’accès à la chronologie sociale de la temporalité, à la différenciation des espaces par un effet traumatique par ricochet positif, par une permanence d’une préoccupation maternelle primaire au long des différents placements, par une position institutionnelle initiatique.

Notes
325.

2000, p 206.

326.

P. Gutton, 2002, p 203.