3.2 La prison, institution au regard d’un "quartier - squatt"

Avançons plus avant dans notre développement autour de la clôture des espaces et de la clôture psychique.

Le quartier s’organise autour d’institutions représentatives de la vie sociale et citoyenne. Différentes fonctions leur échoient : l’école instruit le contrat narcissique et prépare à la perpétuation de la société, la mairie inscrit chacun dans ses droits et devoirs démocratiques. Chaque institution se distingue et différencie les espaces, procurant à la psyché des étayages nécessaires à sa socialité, à sa survie et à sa régénérescence au long des étapes qui jalonnent la vie.

Le quartier présente un ensemble "prêt à l’emploi", du "déjà là" à travers ses représentants sociaux. Le "quartier-squatt" questionnerait le "déjà-là", le transformerait.

Squatter, étymologiquement d’origine anglo-américaine, to squatt, signifie s’accroupir, se blottir. La forme substantivée qualifie les conquérants de l’Ouest américain qui occupaient des terres inexploitées, sans contrat juridique.

Le mot « squatter » appartient au vocabulaire adolescent d’aujourd’hui commun à tous les milieux sociaux. Je m’en saisis car il me semble avoir une tonalité particulière et porter une représentation nouvelle de la ville, du quartier, de l’habitation, du rapport de ces jeunes au privé, au public et aux institutions.

Aucun des jeunes rencontrés lors de la recherche n’étaient squatter, dans le sens légal du terme désignant des personnes en rupture familiale, errants qui investissent en groupe des immeubles inoccupés 332 .

En revanche, le quartier est décrit par certains, René et Smaël essentiellement, comme un immense squatt, comme un ensemble d’éléments à squatter.

Smaël refuse de dessiner une trajectoire spatiale. Se pliant à mon injonction il trace un cube ouvert en bas à gauche de la feuille. Au cours de l’entretien il raconte le quartier : son école, le stade, le collège " c’est zéro", le lycée professionnel, lieu d’enfermement sans salaire.

Les lieux investis par Smaël sont les caves, les toits, les entrées d’immeubles.

Le lien aux institutions est présent vécu comme nul ou négatif : "zéro, enfermé et privé de salaire" comme en prison. Les institutions se situent-elles de l’autre côté, comme existe un "autre côté du quartier" où soit il n’y a rien à faire, soit y émerge de la violence.

Le quartier de Smaël a une existence propre, délimitée. Les espaces y sont détournés de leur usage habituel.

Je propose d’explorer le "quartier-squatt" à partir de trois angles de vue.

Notes
332.

Ces jeunes revendiquent le plus souvent une identité d’errants ou de squatters.