Synthèses des médiations

L’arbre généalogique d’Adjib occupe la moitié inférieure de la page et forme une entité.. Adjib utilise le noir, le rouge et le bleu. Le rouge représente les liens des lignées maternelles – sa mère et sa grand-mère paternelle – le bleu lie les lignées paternelles – son père et son grand-père paternel. Outre l’image de la représentation de la circulation sanguine, l’utilisation de la couleur témoigne de mobilisations d’affects et d’émotions

Malgré la présence des deux lignées, nous dirons que sa configuration familiale est unilinéaire paternelle car la lignée maternelle ne comprend que deux générations. La famille paternelle est prévalente, une coupure généalogique apparaît à la génération de ses grands-parents maternels (mort prématurée de sa grand-mère, disparition de son grand-père). Les alliances de ses parents et grands-parents ne sont pas mentionnées. En revanche figuration d’union de trois des frères et sœurs de son père. Les souvenirs de scènes de violence entre ses parents en sa présence, réel équivalent d’une scène primitive destructrice, entrave l’accès à la figuration de deux imagos parentaux différenciés et porteur de plaisir dont il serait exclu. Le fantasme de parents combinés est actualisé dans le réel.

Les fratries sont représentées. Le double fraternel, son frère cadet, duquel il aurait été indissociable pendant l’enfance semble avoir une toute autre trajectoire sans qu’Adjib en exprime de la jalousie. La violence de son père à son égard ainsi que le fantasme de destruction des bébés de la mère l’exclut et lui donne un statut exceptionnel, Adjib ne mentionne aucune affiliation à un groupe de pairs antisocial ou non.

Le fantasme d’autoengendrement puis d’unilinéarité est mis en avant par sa position dans le graphique, porteur de la famille et à l’origine de sa fratrie puis par son diktat d’une origine 100% algérienne, confirmant la forclusion de la mère.

La trajectoire spatiale est située dans les deux-tiers supérieures de la feuille. Là encore la couleur rouge est employée afin de relier les différents lieux entre eux.

Nous dénombrons quatre placements différents, d’urgence, un lieu de vie et deux foyers pour adolescents. Le premier placement est vécu comme douloureux. Il cherche à en connaître la raison et établit un lien avec l’absence de ses parents. Il a un sentiment d’autoengendrement du placement et de responsabilité de l’abandon de sa mère.

A 12 ans, le placement est confondu avec l’émergence du sexuel dans la psyché : attirance pour les filles "qui avaient du vice" . Cette condensation entre la séparation de la famille et la potentialité orgasmique de la sexualité à l’approche de la puberté confond violence du placement et effraction du sexuel dans la psyché. Là où la famille maintient un moratoire de la maturation sexuelle et de la réalisation d’un acte sexuel encore prématuré pour le psychisme, l’institution en potentialiserait l’excitation et la violence. Le déplacement incestueux ou l’inceste vécu par procuration avec une patiente de l’âge de sa mère au centre de rééducation joue sur la scène du réel ce que P. Gutton nomme la scène pubertaire.

L’institution a aussi donné l’occasion à des affiliations paternelles : le compagnon d’Ulla, le veilleur de nuit et le psychiatre. Les hommes sont identifiés à des figures paternelles bienveillantes.

L’école est citée comme un lieu temporaire, un lieu pour le jour mais aussi à l’origine d’une crise d’asthme de peur de " manquer l’école" entend le psychiatre.

Adjib a fréquenté de nombreux foyers d’urgence lors de ses pérégrinations. Ce sont des non-lieux, ils sont évoqués mais aucun souvenir ne peut à ce moment en être évoqués.

Sa trajectoire spatiale est historicisée mettant en avant les nombreuses séparations. La construction d’une fiction prend ancrage dans le passé, dans un pays des origines mythiques. Le présent carcéral est évité tout comme les projets d’avenir.

Le discours mélancolique prend racine dans la déception amoureuse, dans la rencontre entre les courants pulsionnel, marque du pubertaire et tendre, continuité du monde de l’enfance, de la sexualité.

La tension vers la génitalisation caractérise Adjib. Les éprouvés pulsionnels, à entendre comme pulsion de vie sont mis à mal par les éprouvés confusionnant antérieurs. L’environnement rend impossible pendant un temps le moratoire de la sexualité, la latence d’une décharge pulsionnelle enfin envisageable.

Les réaménagements psychiques d’Adjib se heurtent à une clinique du désespoir, à un constat de la catastrophe mêlé d’une attente d’une reconnaissance initiatique, devenir un "mec blanc", d’une attente de partage d’idéaux, d’une discontinuité afin de poursuivre.