Arbre généalogique

Ahmid arrive avec une revue dans la main gauche. Il l’a gardera toute la séance, son bras gauche est replié sur la table.

Ahmid m’interrompt au cours de la consigne : "représentez les membres de votre famille comme vos parents…" "et mes oncles aussi…mais je ne connais pas les maris…Je fais du plus vieux au plus jeune."

Ahmid utilise le crayon noir et débute par les symboles de différenciation des sexes. Il débute par ses grands-parents, puis aligne à gauche les hommes, à droite les femmes. Les trois lignes générationnelles ont la même organisation. Aucun lien ne relie les personnes entre elles. Il ajoutera en dernier lieu les enfants de ses tantes qu’il reliera à leur mère par un trait. Par contre les signes sont quasiment collés les uns aux autres. Il note les noms en commençant par le grand-père : "Baba" puis sa grand-mère "Mam" puis les prénoms des hommes et ajoute un septième homme . Il s’interroge sur le métier d’un de ses oncles en milieu hospitalier. Nous lui suggérons quelques professions : "ceux qui sont en bas, qui répondent au téléphone ?"  " standardiste ?"

En dessous il trace une nouvelle série de sept signes masculins, il en efface le dernier, puis à droite une série de signes féminins, il gomme un signe en rajoute un autre avec un prénom. La nouvelle fratrie représente la sienne. Un trait sépare ses demi-frères de ses frères. Comme nous l’interrogeons sur son absence dans sa représentation de la famille puis sur son désir de s’y inscrire, il répond : "  oui, s’il le faut" et écrit son prénom à la cîme du trait de séparation des deux fratries.

Il nous dit alors qu’il ne s’agit que de sa famille paternelle (grands-parents, frères et sœurs de son père) et il précise : "ma mère est fils unique".

Ses tantes vivent en Algérie, sont femmes au foyer. Il ne connaît pas les épouses de ses oncles qui ne sont pas mariés depuis longtemps et qui n’ont pas d’enfants.

"Dans cette famille, ils sont bien". Son père est l’aîné : "Il est le seul qui a réussi à venir en France. C’est grâce à ma mère qu’il est venu en France. Elle habitait en France, çà allait mal avec son mari et elle a appelé mon père (qui est un cousin éloigné) qui est venu la sauver". Par contre il ne connaît pas l’histoire de sa mère. A-t-elle immigré avec son premier mari ou est-elle venue seule ?

Son plus jeune oncle vient de rentrer du service militaire.

Son grand-père paternel est décédé : "Il ne reste plus que ma grand-mère". Quand à sa mère, elle est "femme unique"

Toute sa famille vit en Algérie dans plusieurs petits villages, "Algérie" rassemble le groupe familial dans un lieu générique. Les grands-parents vivent à la ferme, un oncle s’en occupe.

Lorsqu’on l’interroge sur les éventuelles alliances de ses oncles et tantes, il répond : " Là-bas il faut de l’argent pour se marier et il faut trouver un travail…il faut trouver une femme…"

Son père a une sœur aînée, célibataire qui vit à la ferme. Raela a trois enfants : Samir âgé de 22 ans et deux filles "plus petites". "Fetira a deux petits."

Ahmid n’est pas retourné en Algérie depuis trois ans.

Dans sa propre fratrie, la plus jeune de ses sœurs a à peine 18 mois et son (demi) frère aîné 24 ou 25 ans. Son frère aîné voulait le faire rentrer à Mac Do.

Les personnes les plus importantes sont sa "famille : mes frères et mes sœurs, mon père et ma mère". Parmi ses frères les plus petits sont les plus importants : ceux de 12 ans, 1 an et demi et Kader qui a 17 ans.

Ahmid évoque ses parents, leurs difficultés de repères et leur ignorance du fonctionnement de la société française.

‘" Ma mère, il ne savait pas c’était quoi la rue, ne savait pas que c’était dangereux la rue. Mes parents sont plus près des petits, ils portent plus d’attention à eux. Ma mère voulait beaucoup d’enfants parce qu’elle était fils unique, euh…fille unique. Elle pensait que c’était un quartier qui ne craignait pas ( Ahmid habite un quartier de Lyon paisible) Je lui disais que j’allais au sport, elle me croyait mais en fait j’allais avec mes copains…Il y a des trucs à respecter, c’est tout. Mes parents m’ont protégé, ils ont fermé la porte mais je partais quand même en passant par la fenêtre. J’étais inconscient. A l’époque pour moi, c’était les potes qui comptaient. Mes parents pensaient que l’on devait réussir car la France c’est un pays plus facile, plus beau, mieux que l’Algérie où il n’y a pas d’éducation…mais les parents ne savent pas qu’il faut des diplômes. »’