L’arbre généalogique est dessiné en noir sur la partie supérieure de la feuille. Le tracé au crayon de papier est ténu. L’aspect fragmentaire et délié du schéma prédomine. Il est formé de regroupements alignés et de personnes isolées.
L’arbre généalogique d’Ahmid est unilinéaire paternelle et formé de groupes de même génération et de même sexe sur trois générations.
Le seul couple représenté est celui de ses grands-parents paternels. La hiérarchie générationnelle et la différence des sexes sont structurées sur un mode infantile, la complémentarité sexuelle n’est pas intégrée.
L’arbre s’organise comme une suite de fratries unisexuées, évitant toute rivalité fraternelle quant à l’attention maternelle et parentale. La prégnance fraternelle est reprise dans la longue description de la chambre des frères.
Le fonctionnement prégénital, sur un mode de représentation de semblables, de doubles prédomine dans une tentative de regroupements internes. L’accent porté sur les groupes fraternels accentue l’indifférenciation, l’impossible actuel de l’individuation-séparation.
Sa trajectoire spatiale est constituée, dans la même logique, de trois groupes correspondants aux trois types de lieux suggérés par la consigne.
L’utilisation du crayon noir est maintenu, les traits demeurent ténus. Le dessin situé dans la partie inférieure de la feuille dénote la prise de distance par rapport aux personnes pour l’adhésion au cadre devenu rassurant.
La mobilisation psychique et du préconscient se concrétise également par la figuration de lieux imaginaires dans un double mouvement de plaisir et déception. Le palais indien couvert de barreaux est bien vite effacé. Les "bulles-plans" joints aux deux lieux d’origine, la ferme des grands-parents en Algérie et l’appartement familial participent de la même tentative de mise en mouvement de la psyché.
La représentation du présent est une case vide, contenant sans contenu, premier contenant de pensée.
Le récit s’ancre dans un récit des origines, le pays des origines et se poursuit dans un récit anticipatoire étayé sur une filiation fraternelle : devenir cuisinier comme ses frères. La construction de son projet d’avenir débute par la poursuite de cours au service scolaire de la maison d’arrêt.
L’inhibition intellectuelle, la passivité, l’hypotonie, la parésie de l’imaginaire se concluent dans un retournement passif-actif : "Il faut un truc psychologique pour toucher au cœur".
L’environnement familial en déficit de transmission n’offre pas un cadre sollicitant et stimulant pour le développement psycho-affectif et intellectuel. L’école relaye le milieu familial en l’abandonnant au fond de la classe. Ahmid subit une double violence institutionnelle : la violence disqualifiante de l’institution scolaire et la violence du silence de la PJJ face à la demande d’Ahmid. "La violence est moins le fait de la pulsion génitale, dit P Gutton, que de la disqualification référentielle qui se produit jetant l’adolescent dans l’hésitation , l’angoisse ; ses actes comme ses pensées ont perdus leur aspiration, leur idéal. 348 "
La recherche d’Ahmid d’une première enveloppe contenante, d’une chambre à soi en vue de sortir de la chambre des frères, d’une première création identitaire.
L’aspiration vers des idéaux, les aspirations affiliatives rencontrées un temps au sein des bandes délinquantes puis auprès de ses deux demi-frères présagent d’une attente identificatoire non entendue jusqu’ici.
P Gutton, 2002, Violence et adolescence, Paris, Editions In Press, p 285.