La procédure judiciaire et le jugement

Le juge d’instruction demande une expertise des deux personnes mises en accusation, sans doute pour élucider les responsabilités de chacune.

L’expert décrira Jean comme un jeune page, attachant, ayant des projets professionnels solides. L’acte délictueux serait la résultante d’une position masochiste et prendrait sens d’un crime commis par sentiment de culpabilité, reprenant par là le célèbre texte de Freud 349 .

A son co–inculpé le même expert allouera un comportement manipulateur, le rendant par là l’instigateur des faits .

Jean déclare, à sa décharge, avoir couru après le garçon, souhaitant lui rendre les objets dérobés mais il n’avait plus ses objets en sa possession. Ils étaient détenus par son compère.

Est–ce le désir de réparation qui engendre le « ce n’est pas moi » ? Il racontera par la suite plus précisément les faits : il était dans sa voiture avec ce copain, colocataire de son foyer et son amie. Il a aperçu le garçon, s’est précipité sur lui avec un couteau et lui a posé le couteau sur la gorge « du côté non tranchant ». Il répétera plusieurs fois qu’il a bien fait attention à mettre sur la gorge du jeune le bord non tranchant de la lame . C’est l’autre qui a dérobé les objets. Son amie est restée dans la voiture.

Deux images se superposent : « rembourser sa mère » et la vue du garçon marchant sur le trottoir.

Il associe plus tard sur le fait qu’il ait lui–même été victime de racket à deux reprises. Il a été agressé par un groupe de jeunes un soir devant un cinéma du centre ville et s’est réfugié dans le cinéma. Ces jeunes ont été interpellés mais non incarcérés.

Ses agresseurs n’ont pas encore été jugés au moment des faits. Leur jugement aura lieu peu de temps après son propre procès. Jean pourrait avoir agi par retournement de la violence et dans un passage de la position de victime à celle d’agresseur, d’une position passive à une position active.

Se condense dans son acte comme dans un rêve l’image de sa mère qui est en fait sa belle-mère envers laquelle il a une dette, de ses jeunes frères (il s’agit d’un jeune garçon), de ses agresseurs, de la scène déjà vécue en tant que victime.

Notes
349.

« On peut montrer qu’il y a chez de nombreux criminels, en particulier des jeunes, un puissant sentiment de culpabilité qui existait avant l’acte, et qui n’en est pas la conséquence mais le motif, comme si on ressentait un soulagement de pouvoir rattacher ce sentiment inconscient de culpabilité à quelque chose de réel et d’actuel » « Le moi et le çà » in Essais de psychanalyse, 1981,Payot, Paris, p267.