Histoire de Mimoun

Mimoun est d’origine turque. Né en France, il est le troisième d’une fratrie de quatre garçons.

Il cumule six incarcérations, dont le principal chef d’inculpation est le vol : vol de voiture, cambriolages. Il vient d’atteindre sa majorité mais est maintenu jusqu’à sa proche libération dans le bâtiment dévolu aux mineurs.

Mimoun a connu un premier placement pour raisons familiales à la Cité de l’enfance, à l’âge de 11 ans. Il y est resté 3 mois ainsi que son frère cadet. Il ne dit pas ce qui a justifié ce placement comme si quelque chose là devait échapper, rester dans l’ombre…

Ce premier placement signe une rupture avec une histoire "sans histoires"…"c’était dur, pour la première fois, j’étais séparé de mes parents."

Nous ne saurons peu de choses de son enfance., de ses relations avec ses parents, ses frères, malgré plusieurs tentatives d’interrogation. Ce passage à la cité de l’enfance marque, pour lui, comme le point de départ d’un enchaînement de délocations selon le terme de Jacques Selosse. Deux ans plus tard , cette fois il sera placé par le juge pour enfants. Il honorera certaines ordonnances de placement, d’autres pas et échouera finalement dans d’incessants allers-retours entre prison et domicile familial…

L’histoire rapportée avec verve par Mimoun est celle de ses expériences et rencontres dans les différents foyers où il a vécu et de ses activités antisociales. Le peu d’éléments de son enfance qu’il accepte de nous livrer évoquent des scènes de violence : un de ses frères bat son institutrice, les grands du quartier le sadisent…

En guise d’histoire, Mimoun retrace avec beaucoup de précisions ses divers lieux de placements, les rencontres qu’il y a fait, les événements qui y sont liés. Il apporte quantité de détails et se raconte, raconte un récit où on perçoit l’engrenage et la montée de la violence…sans véritable affect.

Mimoun a été scolarisé jusqu’en 5ème. "A l’école il y avait des hauts et des bas". Ce sont des vols à répétition qui entraînent un second placement judiciaire cette fois. Il passe un an dans un centre éducatif en Savoie. "J’ai appris des choses…la montagne et tout…c’est bien". Il en est renvoyé "C’est là-bas que çà a triplé les bêtises…ils ont attendu longtemps quand même avant de me renvoyer. Je ne me rendais pas compte de ce qui allait arriver, sinon je me serais calmé…c’est ce que je voulais faire sans le vouloir. C’est surtout chez moi, çà me manquait. Je rentrais toutes les semaines ou tous les 15 jours, çà me suffisait pas…voir ma mère…ma famille…"

Il passe l’été dans son quartier, et vit un "délire de délits", une course folle entre vols, alcool et cannabis….

Mimoun ne s’est jamais senti aussi bien que cet été-là où il ne connaît pas l’ennui : "C’est le meilleur été que j’ai passé. On volait des voitures tous les jours…On était trois toute la journée ensemble. La nuit on cassait des magasins, on faisait tout. On fumait, on buvait…On était bien , on s’est amusé, on allait se baigner à …" Mimoun ne rentrait pas dormi chez ses parents. "On avait 15 ans, on roulait en voiture…on faisait la fête tous les soirs, on buvait…Tout était bien sauf les huit gardes à vue que j’ai fait sur deux mois…"

Le 15 août, le juge ordonne un placement en foyer sur Lyon : "Je m’y rendais en voiture".

Il n’y reste que 15 jours.

Mimoun est ensuite envoyé dans un Centre d’Education Renforcé : " une maison tranquille, à la campagne, avec une piscine…Je suis resté tout seul pendant un mois et demi puis trois autres sont venus…On faisait plein de sport…C’était super bien et là j’avais arrêté mes conneries….çà nous faisait réfléchir…Les éduc nous comprenaient, on pouvait discuter avec eux, on pouvait tout leur dire, ils étaient compréhensifs, on avait confiance. Quand on s’énervait, ils nous calmaient…"

Il passe quatre mois et demi au CER. Pour avoir " emprunté " le camion de l’institution, il est incarcéré pour la première fois dix jours…. Il est alors âgé de 15 ans et ½ .

Il rentre chez ses parents pendant un mois, retourne 10 jours en prison, puis profite de la liberté durant deux semaines et est à nouveau incarcéré 5 mois. A sa sortie de prison en août, il refuse d’aller en foyer et reste chez lui en l’absence de ses parents. Il rencontre tous les jours un éducateur.

Il est déscolarisé. Il sera à nouveau réincarcéré pour vol de voiture 7 mois plus tard. Cette fois il est condamné à 2 mois de prison. Il sort et reste 3 semaines dehors avant d’être incarcéré pour 4 mois.. A sa sortie, ses parents l’emmènent en Turquie pour passer l’été.

A son retour, Mimoun reste dans son quartier pendant quelques mois, il nous raconte des scènes d’agression dont il est l’auteur, en réunion. Il est à nouveau condamné à 11 mois et demi d’enfermement.

Lorsque je lui fais remarquer la précision de son récit, Mimoun répond : " c’est des dates qui marquent."

Le souci chronologique, le tourbillon des agirs pour in fine énumérer la répétition des incarcérations participent d’une clôture de la subjectivation là où Mimoun tente de créer de l’histoire.

Comme nous le verrons plus loin, Mimoun s’interroge sur une possible issue d’où il exclut la perspective d’un destin singulier.