Trajectoire spatiale

Les lieux où il a habité : "La prison, les foyers…Des lieux imaginaires ? Comme tout le monde, une grande maison avec un piscine...Je peux faire une flèche ?"

Mimoun commence par dessiner un bâtiment, sans base, en haut à gauche avec le feutre rouge. . "Je mets les dates ?" Il trace une flèche puis note une année, s’arrête, note une seconde année. Il dessine une maison sans base ; avec un toit. Il écrit alors "MAISON" sur le premier bâtiment et "CITE de L’ENFANCE" ainsi que deux dates sur le toit de la maison. Il me montre la maison qu’il vient de dessiner : "Je dessine à chaque fois çà ?". Il trace une flèche de la maison vers la droite, puis une deuxième qui exprime un retour vers le premier bâtiment. Une nouvelle flèche mène à une autre maison, une maison qui semble fermée. Elle possède de prime abord trois fenêtres mais pas de porte. Il écrit la légende sur le toit : "C’est quoi le code postal de … ?" un trait non vectorisé le ramène à son point de départ. Une autre flèche vers une nouvelle maison qui cette fois n’a pas de fenêtres. Quatre portes s’alignent, la quatrième n’a pas de cloisonnement au milieu, devant, un rectangle empli d’ondulations représente une piscine. Il note à nouveau les légendes sur le toit. La nouvelle flèche le mène en prison . A partir du pourtour de la prison, du haut droit, il trace une série de fenêtres qu’il barre ensuite de trois traits très méthodiquement. Une première flèche part vers la maison familiale puis une boucle continue relie d’un mouvement perpétuel la maison d’arrêt à son domicile.

"Vous avez fini ?"

"Oui"

"Y a–t–il des lieux imaginaires ?"

"Ce serait comme les stars : une grande maison, une grande voiture…une femme, des gamins, comme tout le monde."

"A quoi çà fait penser ce dessin ?"

"…Çà fait flipper… toutes ces dates, celles de toutes ces incarcérations…"

Mimoun compare les détenus à des animaux de zoo que l’on viendrait visiter, fait allusion aux visiteurs qui traversent parfois les bâtiments.

"Je suis en prison parce que j’ai pas eu de chance…On ne naît pas voleur, on n’est pas voleur quand on est bébé. Il y a quelque chose qui fait qu’on devient voleur…"

Il revient sur l’habitation de ses parents : "J’ai toujours habité la même maison, le même quartier. La porte d’entrée a des vitres. "

Il parle de son quartier comme d’un quartier tranquille, de l’autre côté de la route, la campagne…

Le quartier, ce sont aussi les copains qu’il retrouvait dès le matin et avec lesquels il passait la journée. L’appartement de ses parents est aussi habité par deux de ses frères.

Il désigne le lieu du premier placement comme le commencement de son parcours délinquant : "c’est là que j’ai commencé mes conneries, je n’étais plus chez moi."

A partir de là recommence la litanies des faits, d’une histoire qu’il déroule devant nous, rempli de personnages ; les larmes à l’œil, de violences, d’alcoolisation , de fugues…un récit logorrhéique qui ne laisse pas de place à la mentalisation. "je me souviens d’un éducateur, bof ! C’était comme un chalet, quand je me mettais à la fenêtre, il y avait des montagnes des deux côtés…En Automne, c’était super beau les couleurs, le rouge, le jaune…Les deux premiers mois j’ai eu une institutrice super gentille…puis une autre avec laquelle il y avait du chahut, des gifles entre elle et les élèves…Je passai dans une autre classe… on allait dans les bois…j’ai commencé à fumer du shit… Quand je suis parti, le prof de menuiserie avait les larmes aux yeux et moi aussi…Y’a des fois il m’a mis de grosses gifles, moi je l’aimais. Des fois, je l’insultais, d’autres lui jetaient des pierres. C’était comme çà certains jours".

C’est au CER qu’il a appris à parler, une cure de parole avec les éducateurs…

De bonnes images parentales tenues par des éducateurs de passage, un quartier si tranquille qui se transforme en enfer dès qu’il sort de chez lui et qu’il subit les violences de la police, des grands du quartier…

Ce jour là, l’éducateur chargé des mineurs l’attend derrière la porte pour préparer sa sortie.