Trajectoire spatiale

Suite à l’énoncé des consignes, Salah interroge :"Le travail, est–ce un lieu ?"

Comme vous voulez.

"Vous verrez, çà se partage en trois."

Salah trace deux traits qui partagent la feuille en quatre.

Dans le premier quart, en haut à gauche, il dessine deux maisons reliées par une barrière puis devant, les deux voies de l’autoroute avec la rambarde de sécurité. Il s’applique, trace méticuleusement les lignes discontinues.

Il s’interrompt et me présente son dessin. "Ma maison de naissance. J’habitais en bordure de l’autoroute. Il n’y avait pas de glissière, vraiment en bordure. Ils nous ont démoli….Nous, on ne voulait pas déménager. En fait, c’est pas plus mal. "

Il dessine alors dans le deuxième quart en haut à droite." C’est une représentation comme çà. Je ne sais pas dessiner (il est en train de dessiner un mouton…comme le petit prince). C’est une ferme restaurée, avec des arbres fruitiers, des chevaux, des moutons…et là St P… Imaginaire ? "…des lieux imaginaires, je n’en ai pas. Je n’ai jamais rêvé d’aller quelque part."

Des lieux temporaires : "vacances ?…Le travail : depuis mes 18 ans, j’ai beaucoup travaillé en boite de nuit…"

En bas à gauche, Salah dessine une discothèque, s’arrête et s’adresse à moi : "C’est mon lieu de travail, c’est peut–être indirectement ce qui m’a entraîné ici . Jusqu’à 18 ans je ne sortais jamais. Mais à 18 ans, je voulais travailler. Videur en boite de nuit, j’ai fait un remplacement… et l’autre a changé de boite et moi j’y suis resté. J’ai travaillé la nuit. Mes parents ne pouvaient plus me surveiller. Avant je m’occupais de mes chevaux, je vivais à la campagne…Mes sorties, c’était pour le travail. Le travail, je l’ai trouvé tout seul, de bouche à oreille…Je voudrais revivre comme avant… indirectement, c’est pour çà que je suis là…"

Il désigne alors le quatrième carré. "Et là rien…le futur…"

Qui habite les maisons ?

Il désigne les deux premières maisons :" C’est ma première maison, la partie droite était habitable et l’autre partie pour entreposer le matériel. "

La deuxième maison : "A droite, la partie habitable, mes parents, ma sœur et à gauche pour moi. J’ai une cuisine mais je mange avec mes parents. Au milieu, c’est pour entreposer du matériel."

A la discothèque, il avait des relations d’amitié avec tout le personnel même avec le patron…"même la semaine…on allait courir ensemble. En sortant, savoir si je veux aller travailler…plutôt rester chez moi…Si vous voulez que je mets un 4ème lieu, ce serait la prison. Mais j’espère que ce sera écourté, juste un petit morceau…"

Il revient au premier lieu d’habitation : "Ils m’ont démoli pour faire la sortie T. "

Il rajoute une ébauche de carré accolé à la maison de droite, pour les voisins :" à gauche un relais routier, à droite un parking". Des traits parallèles signifient le parking.

La 2ème maison est limitrophe de la ville "…devant à 200m, la ville et derrière la campagne…je n’ai jamais connu de quartier…"

Lors du dernier entretien, Salah parlera beaucoup de sa sortie de prison, et aussi de ses craintes du jugement.

"Lorsque je sors, je ne retournerai jamais dans un groupe. Je vais là où je ne connais personne et là où il n’y a aucun risque. A ma sortie, il y a une personne qui comptait beaucoup et qui ne comptera plus…J’ai peur de prendre pour lui…Je me méfie de lui…" (Salah partage sa cellule avec son cousin, il a peur de s’en éloigner).

Il a essayé à plusieurs reprises de refuser de participer aux braquages mais il se trouvait pris dans les défis que lui lançait son cousin. "Si je n'y allais pas, je n'étais rien. Je l'ai fait par défi. Si je ne venais pas, il me disait qu’il appellerai quelqu’un d’autre." Salah revient ensuite sur son arbre généalogique. Il fait allusion à une histoire de famille lors du décès de son grand-père maternel et le désir de ses oncles et tantes de vendre la maison de ses grands-parents. Un désaccord s’en est suivi dans la famille. "Avant la mort de mon grand-père, ils auraient été en bleu…" (Salah évoque le code des couleurs de son arbre généalogique).

On retrouve ici ses difficultés à accepter les conflits qui viennent ébranler ses relations aux membres de sa famille et ses relations à ses objets internes, ce qui vient détruire l’unité familiale.

Du côté paternel, il y a eu aussi un problème d’héritage et la question de l’accueil des 8 enfants lors de la mort de son oncle. C’est pour cette raison, dit-il, qu’il a mis du rouge. De même sont coloriées en rouge deux sœurs adoptées :" Quand ma mère les a adopté, elle n’avait que 17 ans. Les filles avaient 15 et 14 ans. Elles ont fait leur vie en créant des problèmes à mes parents. Pas les six autres…"

La mort de son grand-père maternel a bouleversé sa famille et les relations qu’il entretenait avec les membres de sa famille.

"Mon grand-père, à chaque fois qu’on allait le voir, il préparait un petit sac de noix, une orange, des bonbons…c’était un grand-père généreux. Il disait aussi "je ne prendrai pas de risque …ma femme, mes enfants…"

"…mon cousin.. .c’est comme si vous me disiez ne pas faire confiance à mon frère".