Taïr

22 ans

4 entretiens

Médiateurs : Arbre généalogique + trajectoire spatiale

Banlieusard, ce n’est pas un métier à temps plein….

Taïr, comme il est d’usage en prison adresse un courrier au SMPR dans lequel il demande à rencontrer un psychologue. Nous sommes en août et je ne peux le recevoir qu’au mois de septembre.

Taïr est un grand gaillard, encombré par son corps…Son visage, disgracieux, placide, légèrement hébété s’animera au cours de nos rencontres. Il paraît plus âgé que son âge.

Il explique ainsi sa demande : "Lors de mon jugement, le juge m'a dit que j'étais asocial … quelque chose comme çà. Il m'a dit cela car j'étais jugé pour violence envers la force publique. Je ne pense pas être violent. Je voudrais savoir si le juge à raison lorsqu'il dit cela ! Dites-moi si le juge a raison puisque moi je ne pense pas être asocial, avoir des problèmes avec l’autorité …Je ne suis pas ce qu'il dit puisque je discute avec vous"

Il bafouille : "Je ne suis pas à l'aise devant vous" ; Il dira plus tard " comme je n'étais pas clair dans ce que je disais, je pensais que vous pouviez me prendre pour un fou".

Taïr est incarcéré pour la 4ème fois. Le chef d’inculpation actuel est vol et violences sur agent de la force publique. Il explique ainsi son délit : suite à un vol de voiture, il s'est enfui. Très rapidement rattrapé par la police, il s'est débattu lors de son arrestation.

La précédente incarcération était également due à une violence sur agent : Un policier lui avait donné une claque qu'il avait aussitôt rendu. Auparavant, les faits reprochés étaient des vols.

Taïr réitère sa volonté de savoir s'il a un problème avec l'autorité. Ici, dit-il, il n'a aucun problème avec les surveillants : " C'est bien pareil que la police. D'ailleurs, je n'ai rien contre la police. Je ne les cherche pas. En plus lorsqu'ils font un rapport, ce n'est pas très exact".

Comment entendre la question de Taïr ? A savoir qui a raison entre le juge et lui ?

Le juge interroge les relations que Taïr entretient avec l’autorité. Taïr l’entend comme les relations avec les autres : les surveillants également représentants de l’autorité en milieu carcéral mais aussi moi-même, dans ma qualité d’expert où il me place. D’ailleurs, la confrontation au psychologue renvoie à la folie, le social et la folie se trouve liés dans sa demande.

Il y a collage des deux mondes, interne et externe : qu’est ce que le coup porté au policier a à voir avec son monde interne comme le laisse supposé le juge ?

Je lui demande s’il aimerait changer quelque chose dans ses comportements "J'aimerai ne plus m'amener en prison. Je cesserai de venir quand j'aurai beaucoup d'argent…Voler, je ne fais pas que cela….Je ne suis pas que voleur comme vous n'êtes pas que psychologue, vous êtes aussi mère de famille…Banlieusard, ce n'est pas un métier à temps plein comme ils en parlent tant à la télé..."

Pour répondre à sa question, je lui parle de la recherche et de la possibilité de le recevoir pendant trois ou quatre entretiens. "Que trois fois ?"

On voit la limite entre sa demande opératoire d’un premier abord : "Dites-moi si le juge a raison puisque moi je ne pense pas être asocial, avoir des problèmes avec l'autorité", et une demande plus complexe de compréhension de son fonctionnement psychique et d’entretiens psychologiques, dont il a découvert la teneur au bâtiment des mineurs.

Il accepte de participer aux entretiens que je lui propose. Il souhaite que j'écrive ce que je lui dirai pour le transmettre à son avocat, que j'écrive à fois le positif et le négatif.