Zoubir

19 ans

3 entretiens

Médiateurs : Arbre généalogique + trajectoire spatiale

Notre choix méthodologique, lié à l’aléatoire des entrevues avec les jeunes détenus 355 nous ont confrontées à plusieurs reprises à des détenus ignorés non seulement des services psychiatriques mais aussi des travailleurs sociaux. Zoubir appartient à cette catégorie puisque qu’il témoigne de l’incapacité de nombreux détenus à formuler une demande suffisamment claire.

Zoubir ne se rappelle pas avoir répondu à notre proposition de participation à une recherche. Lorsque nous nous présentons, il se souvient de l’échange de courriers et nous demande :  "Quelles options proposez-vous ? "

Puis il ajoute qu’on tombe bien car il va mal en ce moment : "J’ai envie de me charcler. Cela va mieux depuis que j’ai changé de cellule. Je suis à St Joseph et maintenant, çà va bien."

Il a changé de cellule le matin même et depuis a renoncé à se couper les veines. Peut-on lui donner des médicaments ? Nous ne pouvons pas, par contre nous pouvons faire part de sa demande à un psychiatre. Cette réponse lui convient.

Il accepte que nous lui présentions le dispositif de la recherche. Mais aujourd’hui il est trop fatigué pour parler, avec tout ce qui lui est arrivé. Il veut aller dormir.
Soudain Zoubir se tourne vers la stagiaire psychologue, P, et interroge sur nos liens de filiation : est-ce ma fille ?  Sera-t-elle là à chaque entretien ? 

Il dit qu’il ne parle pas beaucoup en cellule. " Déjà là, c’est une communication !  C’est n’importe quoi çà : parler de soi. Je peux raconter des histoires et vous allez me croire ? … "

Alors que nous allions suspendre l’entretien, il nous demande de manière avide et précipitée du papier, des enveloppes, des timbres, de téléphoner…

Devant notre refus, il reprend le fil de sa pensée, comme si nous étions hors de sa présence, hors de toute communication :"Je parle à l’intérieur de moi. Plus j’avance dans la vie, plus çà se complique, plus j’ai peur…J’arrive à arrêter mes peurs…Mais quand même j’ai peur…"

En quittant le bureau, Zoubir regarde P puis se tourne vers moi : "Il faut qu’elle fasse attention !"

Zoubir sera rapidement reçu par un psychiatre du service. Il bénéficiera d’un double étayage : psychologiques et psychiatrique qui permettra d’initier un soin en vue de sa sortie ainsi qu’un dossier cotorep avec l’aide de sa famille. Zoubir suscite aussi bien chez le psychiatre que chez moi un désir de lui venir en aide. Sans doute semble-t-il tellement décalé, anachronique dans ce milieu où le délire s’exprime rarement verbalement mais le plus souvent à travers des agirs ?

Il repère vite les rôles des uns et des autres, nous montre qu’il possède des repères spatio-temporels suffisants à un suivi bifocal, à des rythmes différents.

Notes
355.

choix dont nous usions déjà en partie pour la constitution de groupe de parole où étaient regroupés des jeunes adressés par des soignants et des travailleurs sociaux et des jeunes sollicités à partir d’un listing de jeunes transmis par l’administration pénitentiaire