2.1.La théorie de l’attachement

2.1.1. Rappel historique 

Provost (1990) aborde cette question dans son ouvrage où il rappelle le contexte théorique. Ainsi, il présente les deux précurseurs de la théorie de l’attachement : Harlow et Bowlby. En 1958, le primatologue américain Harry F. Harlow et le psychanalyste britannique John Bowlby publiaient chacun de façon indépendante un article qui jetait les bases d’une nouvelle approche en psychologie (Harlow et Harlow, in Zazzo, 1974). D’une part Harlow démontrait, à partir de l’observation de jeunes primates que, contrairement à l’idée mise de l’avant par la psychanalyse, la recherche de proximité et de contact avec la mère prime sur la satisfaction du besoin de nourriture. Son schème expérimental était fort simple. Il plaçait dans une cage un nouveau-né rhésus isolé de sa mère naturelle en présence de deux substituts mécaniques. Un premier substitut était en fait une structure de fils de fer surmontée d’une représentation d’une figure de rhésus adulte et munie en son centre d’une bouteille pourvoyeuse de lait. Le second substitut avait la même structure surmontée de la même tête mais était recouvert d’une peluche chaude et confortable ; il était, en revanche, dépourvu de bouteille. Les observations de Harlow démontraient très clairement que les petits ainsi isolés passaient le plus clair de leur temps en contact physique étroit avec la « mère confortable » avec quelques rares et rapides incursions vers la mère pourvoyeuse pour chercher quelques gouttes de lait. Toute situation d’alarme poussait ces petits rhésus à se précipiter sur la « mère confortable » et à s’y tenir serrés.

De son côté, Bowlby (1958) poursuivait un autre but. Il voulait connaître l’effet des séparations prolongées de la mère et de son enfant. Il fit toute une série d’observations sur les réactions des enfants de un à trois ans à des séparations courtes ou prolongées (jusqu’à trois ans). Ces résultats lui ont permis de dégager trois phases majeures dans cette réaction à la séparation :

La première phase est la protestation où l’enfant démontre clairement une intense détresse à la perte de sa mère : il pleure, appelle, cherche. Il regarde ou écoute toute stimulation qui pourrait lui signaler le retour de sa mère. Sa colère semble aussi monter car si la mère le visite, il aura des comportements agressifs envers elle. Il rejette le confort que tentent de lui donner les autres adultes et, s’il l’accepte en période de désespoir intense, il ne regarde pas la personne qui le prend.

La seconde phase est le désespoir où le comportement de l’enfant, bien qu’encore orienté vers la mère absente, témoigne d’une perte d’espoir. Il devient inactif et retiré ; ses pleurs sont intermittents et presque étouffés et présentent des symptômes de deuil comme chez l’adulte.

La troisième phase est celle de détachement ou de négation. Les adultes peuvent avoir l’impression que les choses sont revenues à la normale et que l’enfant se soit un peu habitué à la situation. Il accepte la routine des soins et peut même paraître sociable. La visite de la mère montre cependant qu’il n’en est rien puisqu’il ne recherche plus l’interaction et le contact avec elle. Il paraît détaché et ni l’arrivée ni le départ de la mère n’activent les comportements d’attachement.

Bowlby voit dans ses observations la preuve que l’enfant a avant tout besoin de la présence de la mère pour se développer normalement. En effet, les enfants éloignés de la mère avaient bien leurs besoins de confort physique et d’alimentation comblés par leur entourage adulte. Pourtant, ils démontraient clairement leur désarroi à la seule perte de leur mère. Perplexe devant ces contradictions entre la théorie et les faits, Bowlby se met à la recherche d’un cadre théorique pour expliquer ses constatations. Il découvre alors toute une documentation sur le comportement animal, dont les ressemblances avec ses propres observations sur les jeunes enfants le fascinent. Il fait en particulier un rapprochement entre le désarroi des petits animaux et des petits humains privés de la présence de leur mère, ce qui le pousse à développer une théorie à orientation éthologique dans laquelle il propose de considérer l’origine et le développement des relations sociales humaines à l’intérieur du cadre de la théorie néodarwinienne de l’évolution et de la théorie des systèmes de contrôle (Bowlby, 1969).