2.2.2. Les trois niveaux de l’interaction

2.2.2.1.Les interactions comportementales

La plupart des travaux se centrent sur ce qui est plus directement observable. Encore appelées interactions réelles (Kreisler & Cramer, 1981), ces interactions entre la mère et son bébé ont été plus particulièrement étudiées par les psychologues expérimentalistes et les éthologues, et elles se situent dans différents registres dont trois principaux : corporel, visuel, vocal.

Les interactions corporelles : de nombreux travaux portent sur la manière dont le bébé est tenu, manipulé ou touché par sa mère, mais aussi sur la façon dont il se moule sur le corps et dans les bras de la mère. Les ajustements corporels interactifs ont fait parler d’un « dialogue tonique » par Ajuriaguerra (1970).

Les interactions visuelles ont fait l’objet d’un grand nombre de travaux montrant que le regard représente l’un des modes privilégiés de communication entre la mère et le nourrisson. De nombreuses observations ont souligné l’importance des temps de regard réciproques de la mère et du bébé, cela aussi bien pour la mère que pour le bébé. Winnicott (1975) avait déjà parlé du rôle de « miroir » que jouait le visage maternel pour le bébé, cela avant l’époque de l’observation systématisée des interactions précoces.

Les interactions vocales sont un mode tout à fait privilégié de communication. Les cris et les pleurs sont le premier langage du nourrisson. Pour Bowlby (1958), ils jouent un rôle important dans l’attachement, comme une sorte de « cordon ombilical acoustique ». Le langage d’adresse de la mère à son bébé a été particulièrement étudié. Le phénomène de synchronie interactionnelle a été mis en évidence dans ce domaine des interactions vocales (Condon & Sander, 1974).

Les interactions comportementales peuvent faire l’objet d’une analyse transversale et longitudinale.

L’analyse transversale peut porter selon les cas sur les caractéristiques temporelles, le niveau de stimulation ou certaines caractéristiques générales de l’interaction comme la réciprocité.

La dynamique temporelle, c’est-à-dire la façon dont les comportements interactifs se sont structurés au cours de leur déroulement, a fait l’objet de nombreux travaux soulignant leur caractère cyclique ou rythmique et dégageant leur structure temporelle macroscopique (phase d’engagement et de désengagement de l’interaction) et microscopique (mère et enfant interagissant dans un système de fraction de seconde). Ainsi, les cycles d’attention-retrait ont été étudiés par Brazelton et Als (1981), qui ont montré que la mère en respectant les attitudes de retrait et d’éloignement de son bébé, va maintenir un niveau d’interaction optimale orientée vers un but de communication où le nourrisson garde un rôle actif. Stern (1983) s’est beaucoup intéressé à la structure temporelle des interactions mère-nourrisson dans la situation de jeu libre et a différencié deux niveaux : le niveau macroscopique des phases d’engagement dans l’interaction, alternant avec des phases de désengagement ou de temps mort, et le niveau microscopique au cours duquel il prend comme exemple des comportements répétitifs de la mère (vocalisations, mouvements, expressions faciales, stimulations tactiles et kinesthésiques). Une règle temporelle essentielle de l’interaction est la synchronie. Stern (1981), pour rendre compte de la synchronie, propose le modèle de la valse, pour laquelle « chacun des partenaires connaît les pas et la musique par cœur et peut donc évoluer en même temps que l’autre ».

Le niveau de stimulation est de même essentiel. Pour Brazelton (1981) et Stern (1981), l’important est de repérer le niveau de stimulation adéquat à chaque nourrisson. Trop faible, il entraîne une absence d’attention ou une perte de l’intérêt ; trop intense, il provoque l’évitement. Cela est valable pour les différents paramètres des stimuli : intensité, complexité, rythme et vitesse de changement ou degré de divergence avec un schème établi.

Notre recherche se situe au niveau des interactions comportementales. Elle se centre sur ce qui est directement observable entre les partenaires de l’interaction et elle fait l’objet d’une étude transversale dans laquelle la dynamique est analysée. Bien sûr, les interactions affectives et fantasmatiques y sont vraisemblablement présentes mais nous nous sommes orientés vers ce qui était directement observable.