2.2.3.3. La contingence

Un comportement contingent est défini comme une réponse directe et appropriée aux signaux du partenaire (Greenspan & Liebermann, 1980).

La contingence a d’abord été utilisée pour mesurer les comportements maternels : Blehar, Lieberman et Ainsworth (1977) introduisent le terme de « contingent facing » et le définissent comme « le pourcentage d’épisodes où la mère donne à ses interventions un rythme lent et doux, les modifiant en fonction des signaux de l’enfant, faisant des pauses si nécessaire pour donner à l’enfant le temps de réagir ». Dans leur étude sur les interactions mère-nourrisson en face à face de six semaines et de quinze semaines, le « contingent facing » ainsi qu’une autre mesure, « l’encouragement approprié de la mère à poursuivre l’interaction », étaient des variables maternelles étroitement associées à une interaction qui se prolongeait au-delà de la séquence initiale stimulus-réponse. Les comportements caractérisent donc la sensibilité de la mère aux signaux de son bébé et témoignent du respect de la mère pour l’état et les comportements de son bébé. Les mères contingentes et favorisant l’interaction étaient capables de rester dans un registre optimal de stimulation, alors que les mères imperturbables, brusques ou aux comportements stéréotypés échouaient à offrir des stimulations capables de susciter de la façon optimale intérêt et réponse du nourrisson.

Ensuite, la mesure de la contingence a été étendue aux comportements du nourrisson par Greenspan et Lieberman (1980), dans leur article sur l’approche clinique quantitative des interactions, dans une perspective développementale et structurale. Ils se situent dans un cadre conceptuel où, d’une part, l’enfant est reconnu comme étant capable de réponses adaptatives à son environnement dès la naissance et où, d’autre part, les deux partenaires jouent un rôle actif dans l’échange et s’influencent mutuellement à travers leur capacité à réagir au comportement de l’autre. Dans l’évaluation d’un point de vue développemental, la contingence est pour Greenspan et Lieberman un élément essentiel de la phase de différenciation somato-psychologique, les réponses contingentes aidant le nourrisson à prendre conscience de son rôle comme agent causal et donc de différencier fins et moyens dans ses relations interpersonnelles. A la phase suivante de développement du nourrisson centrée sur « l’internalisation », l’accent est mis sur les capacités de la mère et de l’enfant de s’engager dans des chaînes d’interactions contingentes.

Ainsi, les vocalisations du bébé, ses sourires, ses manifestations affectives et sa capacité à recevoir des signaux auditifs, tactiles ou kinesthésiques sont tous fondés sur les états de conscience et les fonctions autonomes. Jusqu’à l’accomplissement de l’homéostasie (c’est-à-dire à maintenir constants ses paramètres biologiques face aux modifications du milieu extérieur), tout signal peut devenir aussi bien une surcharge qu’une sollicitation. Son incidence chronologique détermine sa signification. L’effet des signaux d’un parent est contingent sur l’état d’attention du bébé et sur ses besoins, tout comme les propres signaux du bébé. La capacité du bébé pour un comportement signalisateur est également contingente par rapport à une capacité d’autorégulation.

Dans les périodes d’attention, le bébé peut commencer à émettre des signaux vers sa mère à l’aide de sourires ou de grimaces, de vocalisations, de manifestations motrices. La mère répond de façon contingente quand elle est capable de déchiffrer les messages contenus dans ces signaux. Quand la mère répond, elle s’instruit à partir du succès ou de l’échec de chacune de ses propres réponses, ce qu’elle mesure par le comportement du bébé. La contingence exige de la disponibilité de la part de la mère, à la fois sur le plan cognitif et émotionnel. Le résultat des réponses contingentes prévisibles de sa part est aussi lié à ce qui a été appelé l’accordage affectif (Stern, 1985).