2.2.3.6. Le jeu

Le jeu est le contexte le plus favorable pour l’apprentissage des principes d’interactions. Le jeu est ritualisé et répété (donnant-donnant, cache-cache…). Bruner (1983) a montré que le jeu de « coucou » suit un ordre d’actions successives qui ressemble à s’y méprendre à l’ordre d’une phrase : « agent-action-objet-destinataire ». En intégrant la succession ordonnée des actions du jeu, l’enfant intègre aussi la structure même du langage.

Avant dix mois, c’est à la mère (ou au père) que revient le rôle de capter l’attention de l’enfant. Elle vocalise, l’appelle et le caresse ou alors elle profite de la présence d’un objet pour le déplacer de telle sorte qu’il soit à la hauteur de leurs visages et pour établir, en fin de course, un contact œil à œil. Cette focalisation réciproque d’attention pour commencer le jeu permet à l’enfant de saisir que la mère est « l’agent » et lui le « destinataire » du jeu de cache-cache. Puis, les intonations de la voix de la mère changent et d’autres mots sont utilisés pour bien insister sur l’action d’apparition et de disparition derrière l’objet. Deleau (1990) fait remarquer que la répétitivité des séquences permet une accélération des conduites de l’enfant et donc du rythme des segments de l’action. Parallèlement, la mère diminue progressivement son soutien, ce qui conduit l’enfant à anticiper les événements. Mais bien que la contribution de la mère soit prévalente pendant la première année, l’enfant est toutefois acteur de l’activité conjointe.

A partir de 10-15 mois, l’initiative du jeu de cache-cache viendra de l’enfant qui recherchera d’abord un contact initial en face-à-face puis contrôlera sa disparition suivie de la réapparition de l’objet avant de rétablir le contact visuel. L’enfant aura alors appris à intervertir les rôles, à passer du rôle de destinataire de l’action à celui d’agent d’une action.

Ainsi, les jeux sont fondés sur l’entraînement. L’utilisation répétitive de signalisateurs et l’expectative de la répétition d’ensembles de comportements interactifs sont variés à l’infini dans les séquences de jeu. Dans le contexte des jeux, le bébé et le parent ont la possibilité d’acquérir de nouvelles connaissances à propos l’un de l’autre. Ils s’imitent et se conforment l’un à l’autre. Leur entraînement leur permet à tous deux de contrôler l’accentuation, le maintien ou l’arrêt du niveau de leur dialogue. Le bébé apprend à contrôler à la fois le parent et l’interaction elle-même. En fin de compte, le bébé se découvre lui-même. La mère, à son tour, apprend les façons d’entretenir l’attention du bébé, de conduire le bébé à accroître son répertoire, sans perdre cette attention, tout cela dans une ambiance ludique et de plaisir.

Ces sept caractéristiques de l’interaction parent-bébé – synchronie, symétrie, contingence, autonomie et flexibilité en tant que concepts ainsi que l’entraînement et le jeu – rendent possible le développement précoce de l’attachement. Sans le sens de prévisibilité fourni par les cinq premières et la possibilité de détachement manifestée dans le jeu et l’autonomie, cette toute première relation ne peut évoluer.

Aux sept principes essentiels de l’interaction précoce cités auparavant, il serait bon aussi d’insister sur la « fonction du regard » dans la communication.