2.3.3. Interaction parent-enfant : point de vue transactionnel

Si l’on considère le côté transaction, la façon dont l’adulte en charge de l’enfant (« caregiver ») et l’enfant lui-même interagissent, on note une importante influence sur les compétences de l’enfant et de l’adulte. En effet, la nature de telles interactions est influencée mutuellement et transforme le comportement de chacun (Sameroff & Chandler, 1975). Les patterns d’interaction et le développement de l’enfant ne sont pas que le résultat des caractéristiques uniques de l’adulte et de l’enfant, mais ils existent aussi grâce à la réciprocité qui se développe lorsque chaque partenaire répond et s'adapte à l’autre (Barnard & Kelly, 1990).

Pendant les vingt dernières années, un grand nombre de recherches ont révélé l’importance de la relation des interactions adulte-enfant sur le développement des enfants à haut risques tels que le retard mental ou un retard global. Cependant peu de recherches récentes ont exploré la relation entre les interactions « caregiver » et enfant et les compétences de l’enfant déficient visuel. De même, peu de recherches ont examiné les différences individuelles pouvant exister à l’intérieur de ce type d’interaction « caregiver »-enfant.

La majorité des études ont porté sur des qualités isolées spécifiques de l’enfant ou du « caregiver » et ont montré que les enfants à risques répondaient moins aux sollicitations que les enfants dit standards et que leurs signaux étaient moins détectables. Ils était moins actifs et engagés dans l’interaction. (Kogan, Wimberger & Bobbitt, 1969 ; Cunningham, Reuler, Blackwell & Deck , 1981 ; Ehart, 1982 ; Marfo, 1984 ; Rogers, 1988).

De plus, certains de ces mêmes chercheurs ont montré que lorsque les enfants étaient à risque, porteurs de déficits, les parents, le plus souvent, dominaient l’interaction, avaient un haut niveau de contrôle et éprouvaient de grandes difficultés à lire les signaux de leur enfant (Kogan, Wimberger & Bobbitt, 1969 ; Cunningham & al., 1981 ; Marfo, 1984 ; Beckwith, 1990).

D’autres recherches empiriques ont montré que les caractéristiques de l’interaction dans les dyades mère-enfant déficient ou à risque de retards du développement pouvaient ne pas être forcément mal adaptées. (Crawley & Spiker, 1983). Le comportement maternel directif n’excluait ou ne supprimait pas nécessairement d’autres comportements positifs de sa part. Ces auteurs trouvèrent que quand les mères combinaient « sensitivity » et « directiveness » de façon à améliorer les stimulations, les scores de compétences des enfants étaient positivement corrélés.

De même, Marfo (1982) trouva que les mères directives avec leur enfant retardé sur le plan du développement montraient d’autres comportements positifs tels que chaleur, « sensibility » et « responsiveness » (ces termes sont conservés en anglais car la traduction française n’est pas tout à fait conforme au sens).

Dans le domaine du déficit visuel, Tröster et Brambring (1992) et Preisler (1991) ont comparé les comportements observés entre des dyades « caregiver »-enfant déficient visuel et des dyades « caregiver »-enfant voyant. En général, ces études montrèrent :

D’autres travaux se sont intéressés aux caractéristiques du langage des mères d’enfants aveugles. Dans une étude longitudinale portant sur le langage des mères adressé à des enfants déficients visuels et standards, Andersen, Dunlea et Kekelis (1993) constatent un emploi moindre de phrases déclaratives chez les mères d’enfants aveugles, un taux plus élevé d’impératifs ainsi que de questions demandant de réaliser des actions. Ceci doit être mis en relation avec les retards sur le plan locomoteur observés chez les enfants déficients visuels ainsi qu’avec leur lenteur à initier des activités ou à prendre l’initiative de l’interaction ; les enfants aveugles ont souvent besoin d’autrui pour atteindre des objets. Par ailleurs, les mères d’enfants aveugles apportent à leurs enfants des informations restreintes sur l’environnement extérieur : les dénominations d’objets sont répétées (peut-être pour être certaines que l’enfant comprend le langage qui lui est adressé), les interactions sont réduites alors qu’on aurait pu s’attendre au contraire pour pallier le manque d’informations en provenance de l’extérieur lié à la cécité.

Nous venons d’aborder l’interaction parent-enfant lorsque ce dernier est déficient visuel. Les auteurs ont relevé des spécificités dans la communication. Nous allons maintenant approcher la déficience visuelle et l’illustrer à la lumière de modèles théoriques. Mais nous allons avant tout nous centrer sur le sujet et suivre son développement.