2.4.2.2. Les troubles oculaires courants

Parfois, les messages de l’enfant confirment les symptômes caractéristiques de son affection oculaire. Vital-Durand (1995) décrit les troubles les plus courants chez les enfants en âge préscolaire. Ce sont les suivants :

  • Les cataractes : au niveau préscolaire il y en a de deux sortes : les cataractes congénitales et celles qui sont causées par un virus (la rubéole par exemple). C’est la première cause mondiale de cécité avec une contribution de près de 42 % à la charge cécitante globale. Mais, trois quarts des cas mondiaux de cécité sont concentrés en Afrique et en Asie. Il faut préciser que la grande majorité des cas sont curables. Leur traitement habituel consiste en une intervention chirurgicale pratiquée très tôt pour retirer le cristallin.
  • La microphtalmie : est la taille anormalement petite de l’œil, souvent associée à une myopie, réduit considérablement la capacité visuelle. Il n’existe pas de possibilité pour réparer cet œil dont le développement s’est ralenti au cours des premiers mois de la grossesse. Mais dans certains cas la vision reste possible et il est primordial de la mesurer très tôt.
  • La ptôse : c’est la chute des paupières. Ces enfants ne parviennent pas à bien ouvrir les paupières. La vision est assez peu affectée et les enfants lèvent la tête pour regarder devant eux.
  • L’amblyopie : c’est une faiblesse de la vision de l’un ou des deux yeux, consécutive à un défaut d’utilisation. Le cas le plus fréquent est l’amblyopie qui accompagne le strabisme. Quand les deux yeux ne sont pas alignés, le cerveau supprime l’image de l’œil qui vagabonde et celui-ci devient donc pratiquement aveugle. Ce phénomène peut survenir avant que le strabisme ait été détecté ou après, à partir de l’âge de 4 à 6 mois.
  • Les strabismes : le strabisme est une déviation anormale de l’un ou des deux yeux. Les strabismes forment une famille nombreuse de pathologies. Les uns sont très précoces et doivent être pris en charge dès le 2ème ou 3ème mois. D’autres sont inconstants et doivent être surveillés à partie du 5ème mois. D’autres apparaîtront plus tard et doivent faire l’objet de soins dès leur apparition. D’autres enfin ne sont pas détectés parce que l’angle de la déviation est petit : ce sont les plus insidieux parce qu’ils sont découverts tardivement et que l’amblyopie qui les accompagne généralement est bien installée quand elle est enfin découverte.
  • Le nystagmus : beaucoup d’enfants déficients visuels sont atteints de nystagmus qui se caractérise par un mouvement rapide involontaire du globe oculaire. Ceci est généralement associé à d’autres troubles, tels que des cataractes congénitales ou de l’albinisme. Bien qu’on puisse quelquefois constater un nystagmus congénital moteur, ceci est assez rare, et la vision est bonne. Les enfants atteints de nystagmus ont généralement une vision centrale diminuée mais une bonne vision périphérique. Ils ont une vision monoculaire. La maîtrise de leur nystagmus s’améliore généralement avec l’âge et les bébés apprennent à reconnaître où se trouve leur « point zéro », celui où ils peuvent calmer leur « œil qui bouge ».
  • La rétonopathie des prématurés : c’est une maladie de la rétine caractérisée par la formation d’un tissu cicatriciel derrière le cristallin, en partie à cause d’un excès d’oxygène. Le maintien en vie de très petits bébés prématurés, grâce aux compétences de pédiatres spécialisés, a entraîné une augmentation de rétinopathie. Parfois une petite portion de rétine reste intacte, donnant à l’enfant un peu de vision dans un champ restreint. Ces enfants courent le risque d’un décollement de la rétine et d’un glaucome. C’est la principale cause de cécité chez les prématurés dans les pays développés et les pays en développement rapide.
  • Troubles rétiniens : il y a un nombre croissant d’enfants atteints de troubles rétiniens. La rétinite pigmentaire est rare chez les enfants en âge préscolaire ; cependant on trouve des enfants chez lesquels on a diagnostiqué l’Amaurose congénitale de Leber. Cette maladie rétinienne est classée dans la catégorie « divers » et elle provoque divers degrés de déficiences visuelles. Certains malades sont totalement aveugles tandis que d’autres semblent bien se comporter, avec de faibles performances visuelles semblables à celles d’un enfant atteint d’albinisme. Certains médecins prédisent que la maladie sera finalement divisée en plusieurs étapes en fonction de la gravité. Il y a un consensus sur le fait que les malades à faible vision auront une lente détérioration de la rétine mais il n’existe pas encore d’études parallèles à l’appui de cette affirmation. Le diagnostic est possible depuis ces vingt-cinq dernières années grâce au développement de l’électrocorticogramme (EKG). Souvent on ne parvient pas à diagnostiquer l’Amaurose de Leber à ses débuts parce que les modifications de la rétine ne sont pas forcément présentes chez le très jeune enfant. Du fait que les enfants qui en sont atteints sont photophobes, leur traitement peut poser de sérieux problèmes.
  • Monochromie des bâtonnets : les enfants correspondant à ce diagnostic posent un autre sérieux défi au traitement de la photophobie. Le fonctionnement de leurs cônes est diminué, ce qui affecte leur vision des détails. Leurs bâtonnets doivent accomplir des fonctions visuelles. Ces malades peuvent être considérés comme héméralopes et leur traitement peut relever de la gageure.
  • Le glaucome : cette affection résulte d’une pression accrue dans le globe oculaire causée par une gêne de circulation du liquide dans l’œil. Il existe aussi quelques cas de glaucome congénital, bien que la plupart de ces cas soient la conséquence d’autres troubles tels que la rétinopathie des prématurés, l’aniridie ou la post-cataracte. Il vient à la troisième place (après le trachome qui est confiné aux zones tropicales) avec une contribution de 13,5 % de charge cécitante globale et il sévit aussi bien dans le monde industrialisé que dans le monde en développement.
  • L’aniridie : les enfants atteints de cette maladie caractérisée par l’absence congénitale d’iris, peuvent avoir toute une série d’autres problèmes : hypoplasie du nerf optique, hypoplasie fovéale, cataractes souvent compliquées d’un glaucome et d’une dégénérescence cornéenne.
  • L’albinisme : il s’agit d’une déficience héréditaire de la pigmentation de la rétine, de l’iris et de la choroïde. Il y a une grande diversité d’enfants répondant au diagnostic de l’albinisme, du fait que cette affection existe sous beaucoup de formes. Ces enfants sont tous atteints de nystagmus. Ils manquent tous de vision bifovéale et, en conséquence, n’ont pas la perception du relief. Ils sont habituellement photophobes et doivent être protégés contre l’éblouissement et la lumière excessive.
  • L’hypoplasie du nerf optique : (sous-développement congénital du nerf optique). La cause de cette affection est inconnue. Elle peut être unilatérale ou bilatérale, et la perte de vision qui en résulte peut-être modérée ou très sérieuse. Les enfants atteints peuvent présenter également des anomalies cérébrales ou encore avoir une croissance insuffisante due à des déficiences hormonales.
  • Déficience visuelle corticale : l’enfant atteint de cette affection possède un système visuel normal, à l’exception de la partie cérébrale de ce dernier. La réponse pupillaire est normale et il n’y a pas de nystagmus, mais pourtant l’enfant paraît aveugle. Il semble que la plupart des enfants atteints de cette déficience corticale acquise aient un bon pronostic de récupération importante de leur vision, du fait de la destruction incomplète du cortex visuel et/ou de la capacité du système strié extra-généculé à favoriser les fonctions visuelles primaires.

Parmi les troubles visuels, on pourrait citer ceux causés par les accidents domestiques. En effet, ils sont la première cause de malvoyance et de cécité survenant après la naissance de l’enfant. Leurs origines sont très diverses : bébé secoué ou qui tombe de la table à langer, morsures d’animaux…

Les services d’ophtalmologie reçoivent un nombre croissant de nourrissons déficients visuels pour trois raisons. La première est que les enfants sont amenés plus parce que les parents et le milieu médical sont sensibilisés à la nécessité de la prise en charge précoce et comprennent son utilité. La deuxième est que les techniques de réanimation des grands prématurés sauvent un nombre accru d’enfants porteurs de séquelles graves de leur vie intra-utérine ou de leur naissance, même si certaines d’entre elles, comme la rétinopathie du prématuré, sont de mieux en mieux évitées. Enfin, les rescapés de la neurochirurgie grossissent le nombre des enfants porteurs de déficits visuels. Dans tous les cas, d’autres déficits peuvent être associés qui viennent compliquer la prise en charge et nécessitent une bonne coopération entre les services spécialisés.

La justification de cette démarche précoce est de tirer parti de la plasticité cérébrale (Barinaga, 1994) et des phénomènes de vicariance par une prise en charge permettant l’instrumentation optimale des capacités sous la responsabilité de l’équipe d’éducation spécialisée (Bullinger, 1984). L’information précise donnée aux parents doit contribuer à les aider à mieux gérer leur angoisse et à effectuer le travail de deuil que suscite la découverte que leur enfant n’est pas celui qu’ils attendaient. L’examen le plus détaillé possible des capacités visuelles épargnées permet de prendre rapidement les mesures appropriées pour que les parents deviennent des partenaires de l’équipe rééducative et que le développement de l’enfant soit assuré par des moyens palliatifs qui lui permettront de s’intégrer au mieux dans la société.

Après avoir décrit différentes pathologies concernant la vision, nous allons aborder la contribution de cette vision sur le développement global de l’enfant.