2.4.3.1. Deux heuristiques mobilisant la défectologie : l’Analyse des Systèmes et la Théorie de la Vicariance sensorielle

L’originalité du modèle théorique de l’Analyse des Systèmes permet de mettre en évidence la différence, l’originalité et la spécificité des processus adaptatifs développés par le système déficitaire. Dans cette approche, nous faisons référence au modèle développé par Von Bertalanffy (1968). Ainsi, le système sensoriel serait composé de sous-systèmes en interaction. Ces interactions internes développeraient un processus interactionnel entre le système lui-même et l’environnement. Les tenants de la Théorie Systémique considèrent que l’interaction entre le système sensoriel et l’environnement possède une dynamique propre différente de la somme linéaire des propriétés spécifiques des sous-systèmes qui le composent. Ainsi, le système sensoriel peut être modélisé sous la forme d’un ensemble d’éléments (les différentes modalités sensorielles) en interaction (interactions intra-systémiques). Globalement, le système entretient une interaction avec un environnement ou encore, avec d’autres systèmes (interactions inter-systémiques). Portalier (1996) a considéré le système sensoriel qui serait composé de sous-systèmes en interaction. Ces interactions internes développeraient un processus interactionnel entre le système lui-même et l’environnement. Ainsi, le système sensoriel peut être modélisé sous la forme d’un ensemble d’éléments (les différentes modalités sensorielles) en interaction (interactions intra-systémiques) et globalement, le système entretient une interaction avec un environnement ou encore, avec d’autres systèmes (interactions inter-systémiques). Dans cette approche des structures déficitaires, le déficit visuel dans notre recherche, il est important de configurer deux types très différents de systèmes : le premier type représentant la situation où le sujet aveugle a déjà utilisé l’activité sensorielle déficitaire. Dans ce contexte, les interactions intra-systémiques ne sont pas immédiatement supprimées, seulement modifiées. Cette transformation progressive de l’état homéostatique du système permet de suivre les capacités d’adaptation du sujet devenu déficient visuel. Certaines interactions intra-systémiques seront maintenues, d’autres éliminées avec le temps. Le système recherche alors un nouvel équilibre étayé par des connexions originales, la plasticité du cerveau permettant la mise en place de nouvelles procédures de traitement de l’information. Le deuxième type de système peut se présenter dans le cas où le sujet n’a jamais utilisé la modalité défective. Dans ce dispositif, l’équilibre du système est assuré par l’interaction des autres sens (la vision étant déficitaire). Ce mode de traitement de l’information y est tout à fait original et complètement différent du modèle précédent.

La Théorie de la Vicariance sensorielle mobilise aussi la Défectologie. Reuchlin (1978, 1990) et Ohlman (1990) appuient cette théorie principalement sur le registre cognitif. Selon ces auteurs, un individu placé dans une situation donnée, aurait à sa disposition un nombre important de possibilités pour arriver au but qu’il s’est fixé. Il disposerait donc de plusieurs processus vicariants pour s’adapter à la situation dans laquelle il se trouve mais certains de ces processus seraient chez un sujet donné, plus facilement évocables. La hiérarchie de cette évocabilité serait différente d’une personne à une autre pour des raisons pouvant tenir, par exemple, à la présence d’un déficit. Les individus les plus favorisés sont ceux pour lesquels la gamme des possibles est la plus large. L’individu sensoriellement ordinaire possède ce large registre dont il n’utilise qu’une infime partie. En revanche, la personne déficiente visuelle valorise plus facilement la valeur adaptative d’une réponse. On pourra alors, dans ce cas, se représenter l’efficacité d’un processus en termes d’utilité et de coût dans la charge investie.

Ces deux hypothèses (la spécificité des processus adaptatifs et la vicariance sensorielle) guident des recherches effectuées au sein du laboratoire Perception Cognition et Handicap (PCH), sous la direction du Professeur Serge Portalier. Elles sont à mettre en relation avec les deux partenaires de l’interaction. Processus adaptatifs et vicariance sensorielle permettent tout un éventail d’interactions qui se construiront, construiront les personnes et modèleront leur vie.

Comme nous l’avons vu précédemment, dès la naissance, la vision joue un rôle important dans de développement de l’enfant, la carence d’une telle fonction entrave nécessairement le développement général de l’enfant et le perturbe. Il est reconnu qu’un bon nombre d’enfants aveugles présentent les caractéristiques du jeune autiste. Mais l’enfant déficient visuel ne doit pas être considéré comme un enfant normal avec la vision en moins. En effet son développement se fera à partir d’autres bases intégrant la cécité. De plus, la situation sera totalement différente si la cécité est congénitale ou acquise, totale ou partielle, différente aussi en fonction de l’étiologie. Nous allons aborder maintenant le développement de l’enfant déficient visuel sous l’angle de la motricité, de la cognition ainsi que de la communication.