2.4.3.3. Le développement cognitif de l’enfant déficient visuel

Manzano et Joliat (1995) abordent, dans leur ouvrage, le développement cognitif de l’enfant déficient visuel. Le développement intellectuel de l’enfant aveugle doit a priori être considéré comme normal sauf dans le cas où l’origine de la cécité est elle-même facteur de retard mental. Si l’enfant est évalué à l’aide d’épreuves verbales et si on le compare à l’enfant standard, il n’y aura pas de différences. Si ce sont des épreuves de performances, les résultats seront inférieurs à ceux des voyants. Plusieurs auteurs ont travaillé sur le développement cognitif des enfants déficients visuels.

Fraiberg (1978) a suivi longitudinalement dix enfants aveugles complets de naissance sans troubles associés pendant les deux premières années de leur vie et elle a évalué leur développement psychologique lors d’observations mensuelles à domicile. Ses recherches ont porté sur la permanence de l’objet. Cette acquisition décrite par Piaget (1974) commence à se mettre en place à partir de 9-10 mois. Cette acquisition est particulièrement importante car elle indique que pour l’enfant les objets continuent à exister même en leur absence. Il est donc capable de représentation mentale. Les auteurs postérieurs à Piaget (Tourrette & Guidetti, 1995) remettent en cause ce statut et le situent bien plus tôt. Mellier (1992) a repris cette recherche et a conclu que les bébés aveugles manifestaient les premières formes de permanence de l’objet quatre à cinq mois plus tard que l’enfant standard.

Hatwell (1966) a travaillé avec des enfants plus grands, toujours avec les épreuves piagétiennes. Elle a testé la formation des opérations concrètes chez des enfants âgés de 4/5 à 10/11 ans, en distinguant des aveugles de naissance et des aveugles tardifs comparés à des voyants du même âge. Les enfants déficients visuels retenus ont un développement intellectuel considéré normal sur le plan psychométrique (QI verbal supérieur ou égal à 80). D’une manière générale, Hatwell constate que les enfants aveugles manifestent un retard de deux à six ans suivant les épreuves ; ce retard est plus massif chez les enfants aveugles de naissance que chez ceux dont la cécité est plus tardive. Le profil des performances est particulièrement intéressant. En effet, le retard n’est pas homogène suivant les différents secteurs du développement intellectuel. Il est particulièrement net dans toutes les épreuves portant sur du matériel concret où la solution est donnée par la structure perceptive du matériel, alors que dans les épreuves à base verbale, les performances sont proches de celles des enfants voyants. Portalier (1981) dans sa thèse sur l’analyse différentielle du déficit et du handicap sensoriels, montre une différence entre les performances des enfants aveugles comparés aux performances des enfants amblyopes. Paradoxalement, les performances (Echelle de Weschler) des enfants amblyopes seraient inférieures.