3. Partie expérimentale

3.1. Présentation de la recherche

3.1.1. Présentation de la problématique

Pourquoi étudier la communication parent-enfant déficient visuel ? Comme nous l’avons vu dans la partie théorique, la déficience visuelle retentit sur la communication parent-enfant. Beaucoup de parents ont l’impression d’être rejetés (surtout la mère), de ne pas savoir solliciter leur propre enfant, et n’arrivent pas à surmonter un sentiment d’étrangeté face à un bébé qui ne peut communiquer par l’engagement des yeux.

Le regard est un moyen de communication privilégié entre les personnes ; la communication adultes-enfants ne fait pas exception. C’est le premier canal communicationnel du bébé qui arrive à maturité, et donc sur lequel tous les participants de l’interaction exercent rapidement un contrôle équivalent. Le regard a attiré l’attention d’un certain nombre de psychologues qui lui consacrent depuis les années soixante des études systématiques, notamment en communication non verbale. Là, on a constaté l’importance de ce comportement tant sur le plan du développement des compétences communicatives des jeunes enfants que celui de la gestion des rapports interindividuels chez l’adulte. Mais ce rôle prépondérant accordé aux regards ne doit cependant pas faire oublier qu’on parvient aussi à communiquer sans avoir obligatoirement recours au canal visuel. Tel est le cas des personnes non-voyantes. L’expression corporelle, hormis les mimiques faciales, est potentiellement aussi riche chez le bébé déficient visuel que chez les voyants pour qui l’expressivité s’appuie de façon privilégiée sur le canal des manifestations faciales.

Notre problématique porte sur la communication adultes-enfants. Les interactions de neuf dyades sont analysées. Les enfants des neuf dyades diffèrent tant du point de vue de l’âge que du type de handicap. Notre recherche est basée sur des études de cas à partir « d’étiquettes cliniques » et son but est d’étudier des types d’interactions prototypiques, c’est-à-dire révélant un caractère spécifique dans une situation.

La littérature nous offre peu d’informations sur l’étude de la communication verbale et non verbale dans son aspect dynamique. Nous abordons cette dynamique entre les deux acteurs de l’interaction. Nous avons choisi le seuil de cette dynamique qui se situe à trois secondes. L’annexe 6.9 détaille cette dynamique en montrant tout d’abord l’algorythme de la détection d’un événement (annexe 6.9.1), puis l’algorythme de la détection des interactions (annexe 6.9.2) ainsi que quelques exemples d’interactions (annexe 6.9.3).

La littérature aussi aborde peu la communication intra et inter système. Notre recherche adopte le modèle « Emetteur-Récepteur » de la théorie de l’information (Shannon et Weaver) et le modèle « interactionniste et systémique » (issu de l’Ecole de Palo Alto) et met l’accent sur la comparaison des différents enfants face aux différents adultes ainsi que sur la comparaison de ces adultes face à ces enfants.

Considérant que l’interaction mère-enfant « passe » majoritairement par la vue, alors notre recherche pose des questions comme :

  • Comment la communication, lorsque le canal visuel est défaillant, est-elle modifiée ?
  • La dynamique de la communication de l’enfant déficient visuel avec l’adulte est-elle la même que celle de l’enfant standard ou celle de l’enfant déficient visuel avec un handicap associé ?
  • Lorsque l’enfant est déficient visuel, la dynamique de cette communication est-elle la même selon ses différents partenaires (mère, père, personne extérieure à la famille) ou alors change-t-elle (que ce soit du côté de l’enfant par rapport à l’adulte ou du côté de l’adulte vis-à-vis de l’enfant) ?
  • Selon divers contextes environnementaux et situationnels, la situation reste-t-elle la même ?
  • Quelle forme prend la dynamique de cette communication. Quels sont les modes de communication prépondérants (verbaux ou non verbaux) ?
  • La communication se situe-t-elle plus hors système ou intra-système ?
  • Si la communication se situe intra-système, les acteurs sont-ils exo-centrés ou auto-centrés ?

Nous avons mené cette étude à la lumière du modèle « Interactionniste et Systémique » (issu de l’école de Palo Alto) et du modèle du Traitement de l’Information « Emetteur-Récepteur » (Shannon et Weaver). Ainsi, l’approche interactionniste situe cette recherche dans la dimension synchronique et l’approche systémique adopte une démarche qui étudie un système de communication qui s’efforce, au lieu de saisir séparément les différentes parties, d’appréhender de façon globale l’ensemble des composants du système en s’intéressant tout particulièrement à leurs liaisons et à leurs interactions. L’approche « Emetteur–Récepteur » se centre sur le contenu et le transfert de l’information.