3.4.2. Deuxième objectif de l’étude

Notre deuxième objectif était de comparer la dynamique de l’interaction par rapport aux trois phases du protocole. Ainsi, les contextes se sont modifiés au cours de la passation du protocole et nous avons comparé les réactions des enfants face aux adultes et les réactions des adultes face aux enfants pour les neuf enfants ( « déficients visuels », « déficients visuels avec un handicap associé » et « standards »).

L’hypothèse postulait que le changement de contexte perturberait d’autant plus les interactions que les enfants sont handicapés.

Les analyses ont d’abord montré que lorsque nous comparions les réactions des enfants face à leur mère et face à la personne extérieure à la famille, le nombre des événements face à la mère étaient beaucoup plus nombreux, dans les trois contextes différents (phase 1, phase 2 et phase 4). Mais nous pouvons remarquer que la consigne de la phase 2 du protocole (où la communication est censée être plus stimulante) joue seulement en faveur de la mère (le nombre de réactions des enfants dans cette phase 2 est supérieur au nombre de réactions dans la phase 1). En revanche, avec la personne extérieure à la famille, le nombre de réactions diminue dans la phase 2 par rapport à la phase 1 (comme nous l’avons déjà mentionné dans le premier objectif de l’étude).

Lorsque nous comparons les réactions des enfants face aux trois adultes (mère, père et personne extérieure) dans le groupe d’enfants « déficients visuels », nous observons que le nombre de réactions des enfants est supérieur avec les pères dans les phases 1 et 2. Mais dans la phase 4, c’est face à la mère que le nombre de réactions des enfants est supérieur (est-ce la conséquence de la situation de « still face » de la phase 3 qui ferait réagir les enfants lorsque leur mère reprend la communication avec eux ? ). Face à la personne extérieure, les réactions des enfants sont moindres par rapport aux parents. Le rôle de la consigne joue aussi avec le père : nous relevons plus d’interactions dans ce contexte.

Les analyses ont aussi montré que lorsque nous analysions les réactions des adultes face aux enfants, la mère réagissait plus face à son enfant dans chacune des phases par rapport à la personne extérieure à la famille. Nous avons aussi montré que la consigne de la phase 2 jouait seulement en faveur de la mère. Ainsi, le nombre de réactions de la personne extérieure diminuait dans ce contexte.

Lorsque nous comparons les réactions des trois adultes (mère, père et personne extérieure) dans le groupe d’enfants « déficients visuels », nous observons que le nombre de réactions des pères est supérieur dans les phases 1 et 2 comparé à la mère. Dans la phase 4, le nombre de réactions de la mère est supérieur au nombre de réactions du père. Face aux enfants, les réactions de la personne extérieure, sont moindres par rapport aux parents. Le rôle de la consigne joue aussi avec le père : nous relevons plus d’événements dans ce contexte.

Ainsi, nous pouvons remarquer que les réactions des enfants et les réactions des adultes sont équilibrées dans ce système d’interactions

Nous nous sommes aussi interrogés sur les effets simples du sexe, de l’âge et du handicap des enfants :

Nous avons aussi considéré les effets d’interaction du handicap et de l’âge des enfants, de l’âge et du sexe des enfants et du handicap et du sexe des enfants :

Ainsi, lorsque nous abordons l’effet d’interaction du handicap et de l’âge des enfants, nous observons des réactions des enfants face aux adultes (mère et personne extérieure) et des réactions des adultes face aux enfants. Ainsi nous observons une différence dans les réactions de l’enfant dans la phase 4 du protocole avec la personne extérieure et une tendance dans la phase 2 avec la mère. Une analyse plus fine avec la mère a montré que dans la phase 2, il y a une différence significative entre les enfants « déficients visuels » et les enfants « déficients visuels avec un handicap associé » ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels ». Toujours dans cette phase, les enfants « standards » et les enfants « déficients visuels avec un handicap associé » marquent une tendance ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « standards ». Une analyse plus fine avec la personne extérieure à la famille montre une tendance entre les enfants « standards » et les enfants « déficients visuels » ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels ».

Lorsque nous considérons les réactions de l’adulte (mère et extérieure) face à l’enfant, nous observons une différence significative dans la phase 4 avec la personne extérieure et une tendance avec la mère dans la phase 2. Mais une analyse plus fine montre que les mères des enfants « déficients visuels » et les mères des enfants « déficients visuels avec un handicap associé » marquent une différence dans la phase 2 ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels ». Elles marquent aussi une tendance entre les enfants « standards » et les enfants « déficients visuels avec un handicap associé » ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « standards ».

Ainsi, lorsque nous considérons les réactions des enfants et les réactions des adultes, nous observons qu’elles se déroulent de la même manière. Enfants et adultes sont équilibrés. Leur communication garde cet équilibre au fil des trois contextes.

L’effet d’interaction de l’âge et du sexe des enfants n’a montré qu’une tendance dans la phase 4 du protocole lorsque nous avons observé les réactions des enfants face à la personne extérieure. Avec la mère, les réactions des enfants et les réactions de l’adulte n’ont montré aucune différence.

L’effet d’interaction du sexe et du handicap des enfants a montré une différence significative. Ainsi nous avons pu montrer que les réactions des enfants étaient différentes avec leur mère dans la phase 2 du protocole et que les réactions des enfants étaient différentes avec la personne extérieure dans la phase 4 du protocole. Avec leur mère, une analyse plus fine de la phase 2 a mis en évidence une différence entre les enfants « déficients visuels » et les enfants « déficients visuels avec un handicap associé » ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels ». Entre les enfants « standards » et les enfants « déficients visuels avec un handicap associé » existe aussi une différence ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « standards ». Avec la personne extérieure, une analyse plus fine de la phase 4 a mis en évidence une différence entre les réactions des enfants « standards » et les réactions des enfants « déficients visuels » ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels ». Une autre différence avec la personne extérieure se situe entre les réactions des enfants « déficients visuels » et les réactions des enfants « déficients visuels avec un handicap associé » ; il y a toujours plus d’interactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels ».

Lorsque nous considérons les réactions des deux adultes face aux enfants, nous observons là aussi une différence significative de la mère dans la phase 2 du protocole et une différence significative de la personne extérieure dans la phase 4. Avec la mère, une analyse plus fine montre que face aux enfants « déficients visuels » et face aux enfants « déficients visuels avec un handicap associé », elles marquent une différence ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels ». Dans cette même phase 2, les mères marquent une tendance entre les enfants « standards » et les enfants « déficients visuels avec un handicap associé » ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « standards ». Avec la personne extérieure, la phase 4 signale des différences significatives entre les enfants « standards » et les enfants « déficients visuels » ; il y a plus d’interactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels ». Une autre différence avec la personne extérieure se situe entre les enfants « déficients visuels » et les enfants « déficients visuels avec un handicap associé » ; il y a toujours plus d’interactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels ».

Lorsque nous considérons notre hypothèse « le changement de contexte perturbera d’autant plus les interactions que les enfants sont handicapés », celle-ci ne se vérifie que partiellement. En effet, le groupe d’enfants « déficients visuels » n’est pas perturbé car aussi bien du côté des enfants que du côté des adultes, le nombre de réactions est supérieur par rapport aux deux autres groupes d’enfants. De plus, lorsque nous considérons la consigne de la phase 2, celle-ci opère avec la mère et le père, mais pas avec la personne extérieure à la famille. Mais, avec le groupe d’enfants « déficients visuels avec un handicap associé », la consigne de la phase 2 n’a pas d’effet. Ainsi, nous pouvons remarquer que le changement de contexte n’a pas les mêmes conséquences tant du côté des enfants que du côté adultes. Avec les parents, les réactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels » sont en adéquation avec les consignes du protocole. En revanche, avec la personne extérieure, les résultats ne suivent pas la consigne. De plus, avec le groupe d’enfants « déficients visuels avec un handicap associé », les résultats, avec tous les adultes (parents ou personne extérieure) ne suivent pas la logique des changements de contextes. Mais peut-on dire vraiment que ce changement de consigne perturbe ou non le groupe « d’enfants « déficients visuels avec un handicap associé » ? La fréquence de leurs interactions face aux adultes est moindre dans cette phase 2 du protocole. La stimulation est peut-être trop forte et l’adaptation au partenaire impossible.

Ces résultats vont dans le sens des recherches qui considèrent le système cognitif humain comme un système doté d’une pluralité de processus redondants, vicariants, c’est-à-dire susceptibles d’être substitués les uns aux autres pour remplir une même fonction (Reuchlin, 1978). Ainsi, la compétition entre processus vicariants est source de variabilité intra-individuelle en fonction des contextes (phases du protocole), mais aussi de variabilité inter-individuelle en fonction des histoires individuelles (et des personnes, familières ou étrangères).

De nombreuses recherches dans le domaine de la psychologie différentielle montrent une approche pluraliste du développement. Lautrey et Caroff (1999), comme d’autres chercheurs, abordent cette question à travers les épreuves de Piaget.

Nos résultats se placent du côté des réactions de l’enfant face à des adultes différents et du côté des réactions de trois adultes différents face à cet enfant. Ils varient en fonction des contextes et aussi en fonction des personnes (avec chacune leur histoire). Ils varient aussi à trois niveaux différents : d’un point de vue quantitatif (le nombre des réactions est différent d’un acteur à l’autre) ; d’un point de vue qualitatif (la qualité de l’interaction est différente si l’on se situe par exemple face à un parent ou face à une personne étrangère) ; et aussi d’un point de vue volitionnel (les intentions des acteurs de l’interaction influent sur la quantité des interactions et sur la qualité de la communication). Le modèle de la théorie de l’esprit (Baron-Cohen, 1985) pourrait expliquer en partie ce phénomène (aussi bien du côté de l’adulte que du côté de l’enfant).

D’autres recherches (Stern, 1983) insistent sur la notion d’excès ou, à l’inverse, la notion d’insuffisance de stimulations au sein du couple mère-enfant (ou père-enfant). Ainsi, la mère (ou le père) adresse des stimulations à l’enfant qui seraient à relier aux capacités d’attention, à la soif pour des échanges manifestés par celui-ci. Ainsi, un même niveau de stimulations peut convenir à un enfant donné et constituer un excès de stimulation pour un autre dont le seuil de perception ou de tolérance est bas et qui va se montrer hyperexcitable. A l’inverse, il constitue une hypostimulation pour un enfant plus calme qui a besoin de beaucoup de stimulations. C’est bien souligner que le caractère excessif ou insuffisant peut provenir de la mère (« énergique » ou « hyper-enthousiaste » ou, à l’inverse, déprimée ou ayant des comportements d’évitements phobiques ou bien délaissant l’enfant) ou être lié à l’enfant (hypersensibilité ou, à l’inverse, hyporéactivité de celui-ci, faiblesse et flou de ses signaux). Ceci pourrait expliquer aussi la faiblesse des réactions avec le groupe d’enfants « déficients visuels avec un handicap associé » (particulièrement dans la phase 2 du protocole où la consigne peut entraîner un excès de stimulation que l’enfant ne peut pas gérer).