3.4.4. Quatrième objectif de l’étude

Notre quatrième objectif comparait la dynamique de l’interaction et situait son approche dans le modèle systémique. Ainsi la communication était dans le système (comportements auto-centrés ou comportements exo-centrés) et hors système. Nous avons postulé l’hypothèse que « plus l’enfant est handicapé et plus la communication est auto-centrée » (car l’enfant aurait besoin de se rassurer par des auto-contacts).

Nous avons analysé les réactions des enfants et les réactions des adultes :

Lorsque nous observons les réactions des enfants face à deux adultes (mère et personne extérieure), nous remarquons que le nombre d’interactions le plus élevé se trouve dans le système (auto-centré) et l’enfant réagit toujours plus avec sa mère (hors et dans le système).

Dans le groupe d’enfants « déficients visuels », nous observons que la moyenne des événements dans le système (auto-centré) est supérieure avec les mères. Les autres moyennes (hors système et dans le système exo-centré) sont relativement semblables entre les pères et les mères. Face à la personne extérieure à la famille, les moyennes sont toujours inférieures à celles des parents.

Nous avons aussi analysé les réactions des adultes (mère et personne extérieure) : lorsque nous observons les réactions des deux adultes face aux enfants, nous remarquons que le nombre d’interactions le plus élevé se trouve dans le système (auto-centré) et que la mère réagit toujours plus face à l’enfant (hors et dans le système) par rapport à la personne extérieure.

Dans le groupe d’enfants « déficients visuels », nous observons que la moyenne des réactions exo-centrées est supérieure avec la mère face aux enfants. Avec les trois pères face aux enfants, les moyennes des réactions hors système et dans le système (auto-centrées) sont supérieures par rapport aux moyennes des réactions des mères. Avec la personne extérieure face aux enfants, les moyennes (hors et dans le système) sont toujours inférieures à celles des parents.

Nous avons ensuite comparé les réactions des enfants face aux adultes et les réactions des adultes face aux enfants en inter-groupes et en intra-groupes.

Pour la communication en inter-groupes :

Pour la communication en intra-groupes :

Lorsque nous analysons les réactions des enfants et les réactions des adultes en même temps :

En revanche, aucune différence n’est montrée entre les réactions de l’enfant et les réactions de son père que ce soit hors ou dans le système.

Les effets simples du sexe, de l’âge et du handicap des enfants montrent :

Les effets d’interaction de l’âge et du handicap, du sexe et de l’âge et du sexe et du handicap des enfants montrent :

Notre recherche porte sur les synchronisateurs de l’interaction qui sont des éléments pragmatiques essentiels de la stratégie de l’inter-communication. La notion et le terme de synchronisation ont été proposés par Condon et Ogston (1966) puis précisés par Kendon (1972). Ainsi les fonctions de ces éléments sont :

On peut schématiquement classer ces fonctions en « phatiques », qui assurent le contact visuel (regard sur l’autre), le contact corporel (on touche l’autre), le contact verbal (on parle à l’autre). On peut aussi les classer en « self-adaptateurs » ou mouvements centrés sur soi. Ces derniers ont été décrits par plusieurs auteurs : mouvements centrés sur le corps (body focused movements) par Freedman et Hoffmann (1967), self-manipulation par Rosenfeld (1966), mouvements autistiques par Mahl (1961), comportement d’autocontact par Delannoy et Feyereisen (1973) et Feyereisen (1974, 1978). Pour Ekman et Friesen (1969), ces gestes auraient été, au cours de l’enfance, associés sous une forme plus complète à certaines situations émotionnelles. Ils réapparaîtraient chez l’adulte sous une forme atténuée dans des conditions rappelant le problème émotionnel primitif. Les liens des self-adaptateurs avec leurs déclencheurs émotionnels, dans la mesure où ils résultent de l’histoire individuelle, sont évidemment idiosyncrasiques. Notre étude relève que les enfants montrent plus de comportements d’auto-contacts avec leur mère et bien moins avec la personne extérieure à la famille. Il en est de même pour les réactions des adultes. Dans notre étude, les mères montrent plus de réactions auto-centrées face à l’enfant que ne le fait la personne extérieure face au même enfant. Ainsi, nos résultats vont ici à l’encontre de ces auteurs car la mère est généralement la personne avec laquelle la situation est la moins angoissante mais c’est avec elle que les comportements auto-centrés sont les plus nombreux.

Feyereisen (1974) a montré que les comportements d’autocontact augmenteraient avec l’âge et avec la complexité des situations. Ils pourraient être utilisés comme signaux de perplexité et d’embarras et rempliraient ainsi, en partie, une fonction métacommunicative. Cependant, notre étude ne montre pas d’effet d’âge dans les comportements d’autocontact parmi nos groupes d’enfants.

Nous avons postulé l’hypothèse que « plus l’enfant est handicapé et plus la communication est auto-centrée ». Mais cette hypothèse ne se valide pas. L’effet simple du handicap ne montre pas de différences significatives entre les groupes d’enfants (que ce soit du côté de l’enfant ou du côté de l’adulte) ainsi que les effets d’interaction du sexe et du handicap et de l’âge et du handicap des enfants.

Nous avons analysé, dans la phase 3 du protocole, les comportements auto-centrés de l’enfant face aux adultes qui ont reçu la consigne de rester « le visage impassible ». Cette situation est censée être très perturbatrice pour les enfants. Notre hypothèse selon laquelle « plus l’enfant est handicapé et plus il sera perturbé » va être discutée dans cette phase 3. Trevarthen (1977), dans une de ses études, rapportait qu’un changement momentané des actions de la mère ou de son expressivité au cours d’une interaction, pouvait entraîner de fortes réactions de détresse chez l’enfant. Nous allons observer ce qu’il se passe lors de cet épisode.