1.1.1 Les fondements de l’acquisition d’une langue :

Il nous semble primordial de distinguer l’acquisition d’une langue de celle de tout autre savoir. En effet, le propre de l’acquisition d’une langue réside dans le fait que la langue représente non seulement l’objet d’acquisition, mais elle est aussi le moyen d’atteindre cet objet.
Concernant tous les autres objets d’acquisition, le sujet se trouve dans une confi­guration différente : par exemple, un sujet francophone qui souhaite apprendre à jouer d’un instrument de musique, utilisera l’objet d’acquisition, son instrument mais aussi la langue française, intermédiaire langagier ayant pour fonction la ver­balisation du savoir, l’explication ainsi que la communication entre l’apprenant et l’expert visant l’apprentissage puis l’acquisition.
Dans l’acquisition d’une langue, la langue maternelle du sujet peut aussi interve­nir mais l’objet d’acquisition est en grande partie transmis par l’intermédiaire des ac­quis du sujet en langue cible.
En effet, aussi bien en milieu naturel qu’institutionnel 4 , l’acquisition d’une langue est basée sur un système interne à l’apprenant appelé : interlangue, en constante évolution vers ‘«’ ‘ l’objectif idéal de l’acquisition d’une langue qu’est la maîtrise complète de cette même langue ’ ‘»’ (Klein : 1989 : 73). Il s’agit, selon les construc­tivistes s’inspirant de Jean Piaget, d’un système d’hypothèses sur le fonctionne­ment de la langue que l’apprenant se construit du début de son apprentissage de la langue-cible jusqu’au moment où il juge lui-même que son acquisition est ache­vée. Lorsqu’une acquisition plus approfondie de la langue-cible est mise en sus­pens par l’apprenant avant même d’être arrivée à son terme, comme c’est d’ailleurs souvent le cas, on parlera de « fossilisation » (Matthey : 2003).
Dès les débuts de l’apprentissage de la langue-cible, l’interlangue se base sur un fondement consolidé formé par les premières hypothèses vérifiées puis acquises sous forme de règles procédurales. Puis le système s’alimente à chaque fois que l’apprenant intègre un nouvel objet acquis, plus précisément une nouvelle hypo­thèse. Nous parlons ici davantage d’hypothèses que de règles procédurales car à la suite de l’entrée de cette nouvelle hypothèse, deux alternatives sont possibles : soit la nouvelle hypothèse remet en question certaines parties de l’interlangue et l’apprenant devra alors reconstruire cette base qui était stable jusque-là ; soit cette nouvelle hypothèse est validée et adoptée dans l’interlangue existant, étant com­patible avec celui-ci. Pour Piaget, il s’agit donc de passer d’un équilibre à un au­tre. Klein compare les stades d’acquisition d’une langue à la coupe latérale d’un arbre dans laquelle on peut observer que  ‘«’ ‘ les états antérieurs de langue sont dans un certain sens toujours présents ’ ‘»’   (1989 : 72) .
La construction de l’interlangue est conditionnée par deux éléments présents au sein de l’apprenant lui-même et dans son entourage :

au sein de l’apprenant lui-même : le monitoring, capacité pour l’apprenant d’effectuer un contrôle normatif plus ou moins im­portant sur ses productions ;

dans l’entourage de l’apprenant, avec lequel ce dernier compare les états de son interlangue et qui va influencer plus ou moins l’évolution de son interlangue.
En effet, les experts présents dans cet entourage peuvent colla­borer à la produc­tion de l’apprenant sous forme de reformula­tion et de simplification de séquences communicatives par exemple. Comme dans un contrat didactique (Matthey : 2003) conclu entre les deux partis, l’expert joue le rôle de soutien et le sujet celui de candidat-apprenant (Bange : 1992). Ce compor­tement des deux in­terlocuteurs est essentiellement lié, en milieu naturel et surtout dans le cas d’une conversation exolingue en­tre un locuteur natif et un locuteur non-natif, ‘«’ ‘ à la réso­lution de problèmes de communication ’ ‘»’ (Bange : 1992 : 62 ). Ce contrat didactique entre les deux partis se justifie par le déca­lage entre les compétences linguistiques du locuteur dont la langue de communication est sa langue maternelle 5 et du locu­teur qui pos­sède justement une langue maternelle différente, parfois incon­nue du locuteur expert.

Notes
4.

ou milieu guidé

5.

Désormais L1